Tunisie/Union patriotique libre : Que cache la « démission » de Riahi? (Opinion)

Tunisie/Union patriotique libre : Que cache la « démission » de Riahi? (Opinion)

Sorti du néant, il en a jeté plein les yeux aux Tunisiens. Des affiches géantes qui ont investi le maximum des murs qui pouvaient les supporter à travers le pays, le montraient écrasant le nom de son nourrisson de parti l'UPL (Union patriotique libre), le regard grave et droit, l'index dirigé vers le bas, ou plutôt vers un sĺogan en un seul mot "tawa" (maintenant). C'était l'avènement de Slim Riahi -c'est de lui qu'il s'agit-, lors de la campagne pour l'élection de l'Assemblée constituante.


Son "tawa" sonnera tellement comme une injonction, à un moment où les Tunisiens jouissaient et abusaient de la rébellion contre tout ce qui est vertical, que L'UPL ne décrochera qu'un siège orphelin. Pourtant Riahi n'a pas lésiné sur les moyens. A coups de millions de dinars, il a acheté ou loué locaux, voitures, espaces de meetings, matériel et services, engageant des centaines et des centaines de personnes, attirées par des rétributions qu'on disait mirobolantes. 

Pour se positionner politiquement après la défection de Ben Ali, Riahi était prêt à puiser à l'infini d'une fortune qui semblait illimitée mais dont on ignorait l'origine. Mystérieux le personnage. 

Quoi qu'il en soit, la déconvenue de l'élection de la Constituante lui aura quand même appris que l'argent seul ne garantit pas la voix les masses et qu'on ne vote pas pour des inconnus. Qu'à cela ne tienne, il deviendra, promesses gigantesques et gestes généreux aidant, le président du très populaire Club africain, une référence en matière de sport, de football surtout, et dont les innombrables supporters ne se comptent pas dans la seule capitale. 

Pari gagnant, puisque le scrutin des législatives plébiscitera l'UPL troisième force politique du pays, derrière les intouchables Nidaa et Ennahdha. Il fera même partie, â ce titre, de la Troïka gouvernante. Une ascension fulgurante de Riahi qui se trouve catapulté aux avant-postes du pouvoir. Qui l'eût pensé ? 

Descente aux enfers 

Exposé, en tant qu'homme public, aux feux des medias, à leurs fouines aussi, il sera passé au crible. On se posera des questions sur l'origine de sa fortune qu'on dira revenir aux enfants de Kadhafi, sur ses difficultés espacées de liquidités, son refus -ou son incapacité ? - d'investir en Tunisie... Tout pour que la justice entame des investigations. 

Et comme un malheur n'arrive jamais seul, le gouvernement de la Troïka saute cédant la place à un autre d'union nationale issu de la Déclaration de Carthage. 

Riahi qui y a adhéré, y laissera des plumes en tant que poids politique. Et c'est dans la logique des choses que plus tard il déchirera publiquement cette Déclaration et rejoindra Mohsen Marzouk qui a fait scission de Nidaa. 
D'un autre côté, les résultats de son club déclinaient d'une façon alarmante. Les caisses sont de surcroît vides avec plusieurs dizaines de millions de dinars de dettes, dont une partie lui reviendrait. La grogne monte chez un public exigeant et versatile. 

Riahi, lâché par les "sages" du Club africain, est acculé à la démission, d'autant que les enquêtes menées par la justice ont été accompagnées par des mesures fort contraignantes comme le gel des avoirs ou l'interdiction de voyager. Aussi fulgurante fut l'ascension, aussi vertigineuse fut la descente aux enfers.

Mais voilà que la chance lui sourit de nouveau. Les deux partis dominants envisagent la possibilité d'un retour à la Troïka initiale, avec la même UPL comme troisième partenaire.

Un sauvetage inespéré que Riahi attrape au vol en faisant amende honorable publiquement. C'était il y a un mois environ. Quelle mouche l'a donc piqué pour qu'il abandonnât ce qui semble être sa seule planche de salut, en démissionnant, jeudi dernier, "pour des raisons personnelles" de son poste de président de son parti ? 

Rien que des interprétations 

Une donnée est quasi sûre et elle n'est pas en sa faveur : l'éviction de Chahed n'est plus à l'ordre du jour. Avec le soutien des puissants syndicats, il peut garder l'ensemble de son Cabinet. Le retour de la Troïka au pouvoir absolu n'est pas pour demain. 

Riahi se serait-il senti désabusé de nouveau, voire même ridiculisé par ses alliés à qui il a (re)fait allégeance sans rien obtenir en retour ? Son rappel n'aurait-il pas été dicté par le désir qu'il soutînt l'adoption de la loi de finances 2018 ? Essaie-t-il de forcer la main à Nidaa et à son président qui ne sont plus majoritaires à l'Assemblée, en leur laissant croire qu'il existe un plan B dans son tiroir, en vue des municipales de mai prochain et des législatives et de la présidentielle, l'année d'après ? 

Est-ce enfin un coup de bluff de quelqu'un qui, acculé et sentant qu'il n'a plus rien à perdre, veut provoquer une réaction qui pourrait aller dans le sens qu'il espère. 

L'éventualité que sa démission lui aurait été soufflée en contrepartie de la levée des mesures judiciaires qui le frappent n'est même pas à retenir, l'UPL n'ayant aucun poids sans son président. 

Demain il fera jour et Riahi sera encore à la tête de son parti, puisque sa démission dont les vraies raisons seront inévitablement révélées, a été rejetée par le Bureau exécutif.