Tunisie/Budget du ministère des Affaires culturelles: La face et les revers d'une augmentation
Pour l'exercice 2018, le budget du ministère des Affaires culturelles a été augmenté de sept millions de dinars. A première vue, cela peut paraître comme un effort de l'Etat pour impulser les activités et les interventions de ce département, notamment au niveau de la production.
Mais avec la chute du dinar et les inévitables dépenses habituelles en devises, ne serait-ce qu'en cachets des artistes invités aux différents festivals, les acteurs culturels trouvent que cette augmentation cachera mal la régression -effective et chiffrable- des fonds alloués à leur ministère pour soutenir l'action culturelle dans le pays.
La coupe drastique (60% environ) que va enregistrer le Centre culturel de Hammamet en est le parfait exemple. Mohamed Zinelabidine, le ministre des Affaires culturelles, a d'autres arguments.
En effet et même si elle n'est pas encore définitive, cette mesure-choc étonne, bouleverse et -disons-le- fait peur à plus d'un. Elle donne surtout libre cour aux interprétations les plus fantaisistes, comme le désir du ministre de couper l'herbe sous les pieds du directeur du Centre et du festival de Hammamet, dont la dernière session a brillé par rapport à celle de Carthage.
"Balivernes", rétorque Mohamed Zinelabidine qui précise dans une déclaration à Anadolu : "il est anormal qu'un centre comme celui de Hammamet, avec son potentiel et son image, jouissant de surcroît d'un budget qui flirte avec les deux millions de dinars, soit déficitaire et ne génère que deux cents mille dinars en apports propres. A l'opposé, des festivals comme ceux de Nabeul ou de Kélibia ont un soutien d'à peine vingt ou trente mille dinars. Il es temps de procéder à une redistribution des deniers publics et à une discrimination positive pour cristalliser notre choix d'une culture pour tout et pour tous".
En tout cas, pour le ministre des Affaires culturelles qui semble avoir arrêté sa politique et défini ses options, il n'est plus question que les structures et les espaces, qu'ils soient publics ou privés, comptent sur la seule manne de l'Etat.
"Si nous comptons continuer à soutenir les centres et les bibliothèques qui assurent une culture de proximité et une formation culturelle, d'une part, et si nous allons revaloriser le Fonds d'aide à la création, nous voulons aussi susciter l'émergence d'un mouvement de recherche de ressources propres (partenariat, coproduction, sponsoring..) et d'un compter sur soi, d'autant que plusieurs projets qui ont été soutenus ont été des morts-nés, avance-t-il.
Aussi le ministère pensera-t-il autant à la distribution presque autant qu'à la production. Mais les nouveautés réelles du Fonds d'aide à la production consisteront à plafonner les crédits et à les différencier selon qu'on a plus ou moins de 35 ans (?).
A l'évidence ces dispositions feront couler beaucoup d'encre et de salive et ne seront pas du goût de nombreux acteurs culturels, notamment les animateurs et les gérants de structures et d'espaces privés. Ils y voient déjà les prémisses de conditions et de restrictions difficiles à supporter ou à digérer.
Décidé à rationaliser les dépenses, à revoir leur ordonnancement et à rétablir le partage -proportionnel, cela va de soi-, aux niveaux public et privé, Mohamed Zinelabidine affirme que sa volonté n'est pas de créer des difficultés à la création lu aux espaces, mais de les pousser à se développer et à bannir la tendance à ce corollaire dans le statut d'assisté, et ce afin d'assurer une vraie contribution à la promotion de notre image et de notre culture. Et d'ajouter que les acteurs culturels comme les espaces profiteront du programme "Europe création" où la Tunisie est le seul pays arabe et africain à y figurer en tant que partenaire à part entière.
Quoi qu'il en soit et pour en revenir à l'augmentation du budget de son département, le ministre est conscient que cela est minime, vu les attentes de la grande famille de la culture et l'ambition des projets qu'il veut mettre en chantier. Mais son désir est de dénicher les 90 millions de dinars manquants pour élever d'un côté le budget du ministère au seuil symbolique de 1% de celui de l'Etat et de l'autre d'améliorer la visibilité de la culture de la Tunisie. Il les chercherq à travers la coopération internationale et des apports du ministère des Finances via un contrat programme.
Seulement et au-delà des perspectives de projets, il est clair que Mohamed Zinelabidine privilégie un programme global où sa priorité va d'abord à de prestigieuses initiatives (Tunisie, Cité des Arts, de civilisations et des Lettres) pjuis aux différentes Journées de Carthage (cinématographiques, théâtrales, chorégraphiques, poétiques, des arts plastiques) ainsi qu'aux saisons culturelles (insulaires, ouvrières, transfrontalières...).
Cela sera-t-il du goût des créateurs, des artistes, des animateurs et surtout des députés qui débattront sous peu sur ce budget ? Rien n'est moins sûr.