Tchad: Zeynab, une sage-femme au secours des rescapées de Boko Haram
- Pour la jeune sage-femme, venir en aide aux femmes réfugiées qui ont subi, comme elle, des violences et des exactions terroristes de Boko-Haram est un excellent moyen pour se consoler et se remettre de ses blessures passées.
Dans le centre de santé de Bol, chef-lieu de la région du lac Tchad, une sage-femme en blouse blanche, d’un regard franc et souriant, consulte aisément, à l’aire libre, une dizaine de femmes venues en visite prénatale.
Il s’agit de Zeynab Baba, une réfugiée nigériane de 19 ans qui vient au secours des femmes victimes de Boko-Haram, comme elle.
Ses patients l’appellent «docteur farhan», qui signifie en arabe tchadien «docteur joyeuse».
Pourtant, Zeynab n'a pas eu la vie facile. Cette nigériane a perdu ses deux parents dans les attaques terroristes à Maiduguri au Nigeria en 2015, et a fui à plusieurs reprises les exactions des éléments de Boko-Haram pour trouver refuge dans les camps du Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR), à l’Ouest du Tchad.
Selon ses témoignages à Anadolu, c’est dans les camps des réfugiés au Tchad qu’elle a bénéficié de nombreux programmes d’alphabétisation des organes des Nations-Unies, d’une formation en secourisme et, puis, de nombreux stages d’assistance aux femmes enceintes, pour venir en aide aux réfugiées des camps.
«Je suis aujourd’hui mariée à un tchadien, mère d’un enfant et employée comme sage-femme dans un centre de santé. J’ai toutes les raisons d’être heureuse, mais j’ai aussi le devoir d’aider les autres qui ont été dans la même situation que moi», a indiqué Zeynab, dans un entretien avec Anadolu.
La région du lac Tchad, compte un seul hôpital de référence régionale qui se situe à une soixantaine de kilomètres des camps des réfugiés. La structure compte seulement trois médecins généralistes pour une population estimée à deux millions et demi de personnes, sans compter les réfugiés étrangers de la localité.
Le centre de santé du camp des réfugiés ne compte que deux infirmiers et des aides-soignants. Pour accoucher, les femmes réfugiées sont évacuées par des voitures humanitaires et arrivent souvent à l’hôpital très faibles, compte tenu de l’état des routes de la campagne.
Avec l’arrivé de Zeynab, les femmes réfugiés enceintes sont prises en charge dans le centre du camp, pendant et après les accouchements, les risques d’infection et les complications d’accouchement ont nettement diminué.
Pour la jeune sage-femme, venir en aide aux femmes réfugiées qui ont subi, comme elle, des violences et des exactions terroristes de Boko-Haram est un excellent moyen pour se consoler et se remettre de ses blessures passées.
«Je tente avec l’aide des Nations-Unies de prodiguer les soins préliminaires aux réfugiés, surtout aux femmes de ce camp. C’est un moyen de me rétablir moi-même psychiquement, parce que ces femmes ont vécu à peu près la même situation que moi et je me reconnais dans leurs souffrances. C’est facile pour moi de les comprendre», précise-t-elle à Anadolu.
En dehors des heures de travail, chez elle, Zeynab Baba est aussi une épouse et une mère de famille. Elle s’occupe de son fils Oumarou et de son mari Hassaballah, un cadre humanitaire tchadien.
«Je m’occupe des tâches ménagères quand je suis à la maison, mais surtout j’essaie de passer plus de temps avec ma famille. Je donne à mon fils, l’amour maternel duquel j’ai été privée il y’a quelques années.», explique-t-elle.
Pour son époux Hassaballah, en dépit de sa situation sociale stable, Zeynab n’est jamais satisfaite d'elle même, non seulement parce qu’elle a vécu des atrocités de Boko-Haram, mais parce qu’elle est confrontée tous les jours, aux souffrances des femmes qui ont vécu les mêmes situations qu’elle, dans ce camp des réfugiés.
«Elle n’est jamais satisfaite des aides médicales aux réfugiés et juge toujours insuffisants ses efforts en faveur des femmes du camp. Même en dehors des heures du travail, elle fait parfois du porte à porte pour s’enquérir de l’état de santé de ses patients et prodiguer des conseils en cas de besoins. Elle est très sensible aux problèmes des autres», explique Hassaballah.
Zeynab, espère avec l’aide de son mari, écrire ses mémoires pour témoigner de son passé pour que son fils et les autres enfants du camp apprennent l’histoire triste de leurs parents et l’avenir qui est le leur.
Elle espère aussi faire découvrir un jour, à son fils et à son époux, sa ville natale Maiduguri (nord-est du Nigéria), qu’elle a quittée précipitamment pour fuir les horreurs de Boko-Haram.