RDC : 2017, l’année des peurs pour 3.9 millions de déplacés

-En un an, le déplacement des populations a doublé, passant de 1.9 million en 2016 à 3.9 millions en 2017

RDC : 2017, l’année des peurs pour 3.9 millions de déplacés

Le chiffre pourrait faire la population entière de certains pays africains, 3.9 millions. Seulement en RDC, vaste pays d’Afrique centrale, il s’agit des personnes déplacées fuyant des violences armées qui durent depuis 21 ans. 

Une situation aggravée, d’après le rapport de décembre 2017 de l'Observatoire des situations de déplacement interne (IDMC), par l’absence d’élections et d’alternance dans l’exercice du pouvoir. Les élections prévues en 2016 ont été renvoyées, en effet, à fin 2018. Et le président Joseph Kabila reste au pouvoir. 

Pendant ce temps-là, les groupes armés s’activent, par exemple, dans les provinces qui ont connu plusieurs guerres dans les Kivu (Est de la RDC). 

En un an, le déplacement des populations a doublé, a indiqué début novembre 2017 Yvons Edoumou, porte-parole du Bureau de coordination des affaires humanitaires, Ocha : 3.9 millions de déplacés contre 1.9 millions, un an plus tôt. 

«C’est une méga crise. Le nombre de personnes fuyant la violence est du jamais vu, dépassant la Syrie, le Yémen et l’Irak », a déclaré le 6 décembre aux médias Ulrika Blom, directrice du Conseil norvégien pour les réfugiés, en RDC. La RDC compterait 2.7 millions de déplacés internes, d’après le IDCM. 

Sur le terrain, la situation est bien plus alarmante encore, affirme-t-elle. 

- Des déplacés affamés et malnutris dans les Kasaï 

Il y a d’abord la crise qui secoue les Kasaï, région du centre de la RDC qui a connu l’insurrection Kamuena Nsapu, entre août 2016 et octobre 2017. Plus de 1.7 millions de personnes, d’après l’ONU, ont fui leurs villages vers les centres urbains, plus sécurisés. D’autres ont traversé la frontière angolaise, plus au sud. 

Certains en reviennent progressivement, à la faveur du retour au calme dans la région, d’autres ont parfois été refoulés, confondus aux immigrants clandestins, dans un grand dénuement. 
«Ils reçoivent l’assistance humanitaire», explique Jean-René Tshimanga, acteur de la société civile représentant les Forces-vives du Kasaï-Central.

«Ils n’ont pas uniquement besoin de nourritures. Ils reçoivent aussi des vêtements pour leur protection. Mais nous nous battons aussi pour leur donner des intrants agricoles et leur permettre, ainsi, de travailler la terre afin de ne pas tomber dans la paresse et dépendre de l’aide humanitaire», explique-t-il. 

Mais l’aide ne suffit pas, et plusieurs déplacés souffrent de malnutrition. Les enfants sont les plus touchés et on les trouve notamment dans les territoires de Kabinda et de Luilu. Ils sont 400.000 d’après l’Unicef, chiffres de mai 2017 maintenus en fin d’année. Une malnutrition aigüe qui risque de tuer plusieurs enfants en 2018, si les moyens continuent à manquer, indique l’organisme onusien.

- Au Tanganyika, la crise se propage dans l’ancien Katanga 

Dans la Province du Tanganyika, plus à l’Est de la province du Katanga démembrée en 2015 dans un processus de décentralisation, la crise n’en finit pas.

Les violences communautaires qui opposaient Twa (Pygmées et Bantu (Baluba), ont visiblement baissé d’intensité. C’est, notamment, «grâce à l’armée congolaise qui a brisé toutes les velléités», et ce, «hormis des attaques ciblées des "éléments", des milices qui s’en prennent aux véhicules de commerçants», explique le journaliste Jacques-Vallon Kabulo, en mission dans la région de Kalemie, la capitale provinciale. 

«Ils surgissent de la brousse lorsqu’ils entendent les vrombissements des moteurs de camions», explique-t-il. 

Mais cela ne change rien quant au sort de quelques 541.000 déplacés repartis dans une dizaine de camps, dont certains ont été délocalisés vers Mwaka, en direction du territoire de Moba.

Les autorités craignaient, explique le journaliste, «des infiltrations dans les camps». Jusqu’en août, elles appelaient plutôt les déplacés à regagner leurs villages, la situation sécuritaire s’étant améliorée selon elles. 
Mais pas autant pour les humanitaires qui doivent nourrir et protéger les déplacés. 

En août, l’ONG Médecin sans frontière (MSF) dénonçait même des conditions de vie inhumaines, 85% des déplacés manquant d’eau. 

- La crise s’exporte à Pweto, dans le Haut-Katanga 

Arrivés des territoires de Kalemie et de Nyunzu, dans le Tanganyika, les anciens déplacés se trouvent, à nouveau, dans une situation de déplacement. Bien plus, Twa et Bantu, les Zela notamment, s’affrontent.

Entre les 2 et 5 novembre dans les villages de Kafunga, Kasama et Kama, ils ont poussé quelques 4.740 personnes à trouver refuge au centre de transit de Nchelenge en Zambie, plus au sud, portant à 8.240 les réfugiés congolais. 

Au total, Pweto compte quelques 34.000 déplacés internes, dont 13.200 se trouvent à Lukonzolwa. Ce qui porte le nombre à 118.000 déplacés, depuis janvier 2017 pour le Haut-Katanga. 
Ocha indique, par ailleurs, que parmi eux, 23.500 élèves ne fréquentent pas d’école.

«71 des 209 écoles primaires des villages de Dubie, Kyona Nzini, Lukonzolwa et Mutabi, n’ont pas rouvert leurs portes depuis la rentrée scolaire en septembre dernier», indique la même source. 

- Les Kivu : la vieille crise 

Mais il y a avant tout, lorsqu’on dit crise humanitaire, les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu (Est de la RDC). Ici, les humanitaires comptent 609.000 déplacés internes au 30 novembre 2017. Comme au Nord, autour de Goma, les déplacés fuient les groupes armés et dépendent de l’aide humanitaire. 

La récente attaque qui a coûté la vie à 15 casques bleus de la Mission onusienne pour la stabilité du Congo (Monusco) et 5 militaires congolais n’est sans doute pas une bonne nouvelles pour des personnes qui espèrent que la présence de l’ONU contribue à dissuader les groupes armés.

Les déplacés risquent, donc, de ne pas diminuer, compte tenu de l’augmentation de l’activisme des groupes armés qui touchent tout l’est de la RDC, jusqu’en Ituri (Nord-est).