Migrants ivoiriens : Après le bourbier libyen, le défi de la réintégration

- Certains parviennent à s’en sortir, d’autres pas

Migrants ivoiriens : Après le bourbier libyen, le défi de la réintégration

Après «l’enfer» libyen, quelque 1204 ivoiriens, en situation d'extrême détresse, ont pu regagner jusqu’à mi-décembre la Côte d’Ivoire, grâce aux efforts conjugués des autorités ivoiriennes et de l'organisation internationale pour les migrations (OIM).

Un retour au bercail qui ne leur ouvre pas, pour autant, les voies du bonheur. Car un autre obstacle se dresse devant ces ex-candidats à la migration, celui de la réintégration dans le milieu socioprofessionnel.

Et si certains parviennent à s’en sortir, cela n’est pas évident pour d’autres.

Jean Paul Gnandou avait 36 ans quand il a quitté la Côte d’Ivoire, il y a deux ans. Il a regagné Abidjan, en novembre 2017. Son aventure ressemble à celle de beaucoup d’autres qui ont tout sacrifié pour le rêve occidental.

Parti d’abord en Tunisie, grâce à une économie de 1.200.000 FCFA (2149 USD), il a travaillé dans une scierie, durant sept mois, avant de rejoindre Zouara (ville portuaire de Libye) pour y travailler et espérer continuer son aventure vers l’Europe.

«C’est au cours du travail, que moi et six autres compagnons avions été kidnappés par des hommes armés», relate-t-il, le regard plongé dans le vide. 

«Ils nous ont mis dans une prison. Nous y sommes restés pendant deux mois. Nous étions plus de 4.000 personnes dans cette prison. On nous donnait un morceau de pain à 13 heures et à 23 heures. J’ai failli être vendu…», se rappelle-t-il la gorge nouée.

Ayant regagné sa famille à Yopougon (dans le nord d’Abidjan), Jean Paul Gnandou, n’a pas encore le moral haut. Car, tout est à reprendre pour espérer se faire une place dans la société. 

Mais le jeune homme n’entend pas se décourager. Même s’il peine à trouver du travail, Gnandou envoie son curriculum vitae tous les jours à divers organismes.

«Depuis mon retour, je ne fais rien. J’ai déposé des dossiers dans plusieurs entreprises. J’attends. Actuellement, je veux quelque chose c’est l’essentiel. J’ai un baccalauréat et un permis de conduire», confie-t-il.

En attendant un second espoir, il vit du soutien de parents et amis pour joindre les deux bouts.

- Cas isolé? Loin s’en faut.

Ils sont nombreux ceux qui doivent tout reprendre à zéro, au niveau professionnel, mais aussi ceux qui ne parviennent toujours pas à se réintégrer dans leurs familles.

Brigitte Kamaté, 21 ans, vit cette situation. Depuis son retour, en novembre au pays, elle se sent jugée par ses proches. Ses parents, qui ont déboursé une importante somme d’argent pour qu’elle aille en Europe, n’acceptent toujours pas son retour au pays.

«Mon aîné et mon père ne m’adressent plus la parole, depuis mon retour. Ils supportent mal que j’ai échoué… Ils me demandent d’aller rejoindre mon mari en Italie», note-t-elle, expliquant qu’elle ne souhaite plus y retourner, mais veut démarrer un projet de ventes de produits cosmétiques et poursuivre ses études.

Certains parviennent toutefois à se réintégrer. C'est le cas de Dosso Abdoulaye, qui dit avoir passé deux mois dans un centre. Depuis son retour, il a bénéficié de l’accompagnement de sa famille et c’est d’ailleurs grâce à elle qu’il a trouvé un emploi.

«Ce n’est pas facile, comme on le dit, mais avec un peu de motivation et la bénédiction des parents, j’ai pu me réintégrer. Quand je suis arrivé ici, je ne sortais pas, je n'arrivais pas vraiment à communiqué. Puis je me suis décidé de faire quelque chose. Je me suis intégré », affirme le jeune homme.

Dosso n’est pas prêt d'oublier son aventure en Libye, mais si c’était à refaire, il choisirait "une autre route", dit-il. 

- Accompagnement de l’Etat et des organisations 

Face aux difficultés des ex-migrants, le directeur général des Ivoiriens de l’extérieur, Issiaka Konaté, assure que ceux-ci «sont pris en compte par le gouvernement ivoirien, l’Union Européenne et l’Organisation internationale des migrations».

Selon lui, une fois retourné au pays et après l’étape de profilage qui a consisté à connaître les raisons de leur départ, les migrants bénéficieront d’un projet de réintégration d’une «valeur 2,7 millions d’euros et qui concerne 750 migrants dont 550 peuvent provenir d’un pays d’Afrique, et 200 de l’Europe».

«Ces personnes sont éligibles au projet du fonds fiduciaire, ils pourront nous soumettre des projets individuels ou collectifs que nous pourrons prendre en charge après le profilage», a indiqué Issiaka Konaté à la presse.

D’autres programmes, tels que le programme d’appui aux initiatives économiques des migrants (PAIM), qui existe en Côte d’ Ivoire depuis 2009, seront mis à leur disposition, selon le ministère de l’Intégration. 

Ce programme, ayant déjà créé 300 emplois, permet aux ressortissants ivoiriens de retour dans leur pays d’origine, avec l’aide de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), de bénéficier de la possibilité d’obtenir un appui financier de l’OFII pour monter un projet économique.