Macron réitère, depuis Ougadougou, la fin de la "Françafrique"

-Le président français s'est exprimé sur plusieurs sujets d'actualité, dont la lutte contre l'extrémisme, la crise libyenne, l'émancipation de la femme et le dossier de l'ancien président burkinabè Thomas Sankara

Macron réitère, depuis Ougadougou, la fin de la "Françafrique"

Arrivé au Burkina Faso lundi soir, le président français a prononcé, mardi, un discours devant 800 jeunes à l’université de la capitale Ouagadougou. Très attendu par la communauté africaine et burkinabé, son discours a abordé des thèmes centraux tels que le terrorisme, l’éducation ou encore la situation des migrants en Libye. 

Lutte contre l’extrémisme religieux et la menace terroriste 

Devenue l’une des principales préoccupations dans la région ouest-africaine et particulièrement dans la région du Sahel, la menace terroriste a été l’un des grands thèmes abordés par le président français dans son allocution adressée à la jeunesse. 

«Cette menace n’a pas de frontières ni de continent, car elle s’attaque à ce qu’il y a de plus intime: la foi et la religion pour en détourner le sens. Je n’ai là-dessus pas de leçon à donner, moi qui suis président d’un pays qui a aussi des défis de ce type à relever", a affirmé le président français, rappelant les douloureuses attaques qui ont ciblé les deux pays. 

Après avoir réaffirmé sa volonté de lutter contre ce fléau au Sahel, Macron a souligné la nécessité de «faire barrage à l’extrémisme religieux». 

«Ne laissez jamais la religion dans laquelle vous croyez faire ce pourquoi elle n’a jamais été faite. Ne laissez jamais la religion vous convaincre que c’est une aventure de destruction de l’autre, ne laissez jamais, au nom de votre religion, certains vous faire croire qu’ils pourraient dominer, voire, détruire», a-t-il affirmé. 
«Ne laissez jamais, au nom de votre religion asservir les consciences ou les individus«, a-t-il martelé. 

Situation des migrants en Libye 

Au cours de son discours, le président français est revenu sur les conditions des migrants en Libye. Comme il l’avait déjà dénoncé dans une précédente déclaration, Macron a qualifié la situation de «crime contre l’humanité». 

Le chef d’Etat français a poursuivi en annonçant qu’il proposera, mercredi, au cours du sommet à Abidjan «une initiative euro-africaine pour mettre un terme à cette stratégie portée par tous ceux qui veulent notre destruction, la stratégie des terroristes, des trafiquants d’armes et d’êtres humains qui conduisent à la tragédie que nous voyons sous nos yeux». 

Education et émancipation des femmes 

«Je serai aux côtés de tous les chefs d’Etat et de gouvernement africains qui feront le choix de la scolarisation obligatoire des jeunes filles», a affirmé Macron en présence de son homologue burkinabé. 

«Je demanderai à l’Agence française de développement de soutenir, en priorité, les programmes visant la scolarisation des jeunes filles», a-t-il poursuivi. 

Vivement critiqué après avoir déclaré au G20 que le développement ne pouvait pas se faire avec une démographie «de 7 à 8 enfants par femme», Macron est revenu sur ce sujet en plaidant pour l’émancipation des femmes. 

«Il n’y a pas de vecteurs de progrès plus puissant pour une société que l’émancipation des jeunes filles […] Elle (la démographie) doit être un choix, en particulier, pour les jeunes filles et pour les femmes. Posez-vous la question: partout où vous avez 7, 8 ou 9 enfants par femme, est-ce que à chaque fois vous êtes bien sûre que c’est le choix de cette jeune femme?», s’est-il interrogé. 

«Je veux que partout en Afrique, une jeune fille puisse avoir le choix de ne pas être mariée à 13 ou 14 ans», a-t-il poursuivi. 

Thomas Sankara 

Très attendu sur les dossiers judiciaires en cours au Burkina Faso, le président français a annoncé la déclassification des documents, en France, de l’affaire de l’assassinat de Thomas Sankara. 

«La justice burkinabé aura accès aux documents», a-t-il déclaré. 

Assassiné le 15 octobre 1987, l’ancien chef d’Etat burkinabé est devenu un idole au Burkina et en Afrique, grâce à ses nombreux combats, notamment contre le néocolonialisme et l’impérialisme. 

La France étant soupçonnée d’avoir joué un rôle dans son assassinat, lesdits documents devraient permettre une avancée judiciaire dans ce dossier. 

Fin de la Françafrique? 

S’il est une règle pour les nouveaux présidents français d’annoncer la fin de la France-Afrique, Emmanuel Macron n’a pas fait exception. 

«Il n'y a plus de politique africaine de la France» a martelé le chef d’Etat français, sous les applaudissements des étudiants. 

«Ce n’est pas simplement un dialogue franco-africain que nous devons reconstruire ensemble, mais bien un projet entre nos deux continents, une relation nouvelle repensée à la bonne échelle», a-t-il poursuivi, proposant une nouvelle forme de relations entre la France et ses anciennes colonies. 

Devant une jeunesse burkinabé politisée et nourrie aux discours anticolonialistes de Thomas Sankara, le chef d’Etat a dénoncé le passé colonial de l’Hexagone, «les crimes de la colonisation européenne sont incontestables et font partie de notre histoire», avant de conclure «C’est un passé qui doit passer». 

Pour la dernière étape de sa visite au Burkina Faso, Emmanuel Macron doit se rendre mercredi à Zagoutli, au sud-ouest de la capitale, pour y inaugurer la plus grande centrale solaire d’Afrique de l’Ouest avec son homologue burkinabè. 

Il poursuivra mercredi sa visite en Côte d’ivoire et se rendra, enfin, à Accra au Ghana, dernière étape de sa tournée africaine.