Les faits marquants de 2017 préfigurent un monde aux lendemains incertains
-« la palme » des décisions controversées, apanage du nouveau locataire de la Maison Blanche
Décisions périlleuses du nouveau président américain, multiplication des attentats terroristes, montée de la xénophobie en Europe, l’année 2017 aura porté en elle les germes d’un monde qui, le moins qu’on puisse dire, ne se porte pas bien.
Parmi les événements qui ont marqué l’année qui s’achève, le fait saillant a été manifestement la malheureuse décision du président américain Donald Trump qui a provoqué un tollé de par le monde, qui reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël, une nouvelle décision plus que controversée car elle enfreint la légalisation internationale, d’une part, et touche à la sacralité de la ville sainte, éminent symbole des trois religions monothéistes.
Après avoir fait planer le danger d’une confrontation nucléaire avec la Corée du Nord et suscité la réprobation même dans son propre pays avec sa politique sur l’immigration, il n’hésite pas à mettre en péril une région déjà plus que fragile.
Outre la colère légitime et la condamnation unanime du monde musulman, le nouveau locataire de la Maison Blanche a réussi la gageure de monter contre lui-même ses alliés occidentaux et s’est retrouvé isolé sur la scène internationale.
La menace de leur couper l’aide américaine n’a pas intimidé la grande majorité des pays (128) qui n’ont pas hésité à voter pour la résolution de l’assemblée générale des Nations Unies rejetant sa décision américaine. Seule une poignée de neuf pays a voté contre et une minorité s’est abstenue.
Le document adopté souligne que toutes décision ou action « dont l'objectif est de modifier le caractère, la situation, la composition géographique ou démographique de la ville n'a aucun effet juridique, est nulle et non avenue et devrait être amendée pour être conforme aux résolutions du Conseil de sécurité pertinentes ».
Un vote on ne peut plus éloquent qui montre que 82% de la population mondiale, soit 6,1% de personnes, ou encore huit personnes sur dix s'opposent à la décision américaine sur Jérusalem qui brise l'espoir pour une paix au Moyen-Orient et risque de plonger la région dans des turbulences aux conséquences imprévisibles.
L’analyse qu’en fait un historien israélien est plus qu’édifiante à cet égard. Pour le professeur Ilan Babi, Donald Trump ignore l'histoire du conflit palestino-israélien et n’a pas conscience du degré du danger de sa déclaration reconnaissant Jérusalem capitale d'Israël.
Babi a averti que les États-Unis ne sortiront pas indemnes des conséquences négatives de la décision de Trump dans la mesure où ils ne seront plus cette force influente pour l'avenir du monde après cette action qui constitue une nouvelle bombe menaçant un système international déjà défaillant. Il s’attend que la décision de Trump va conduire à une « intifada » (soulèvement populaire) qui englobera les mondes arabe et musulman et ne se limitera pas à l'intérieur de la Palestine. « Les résultats de cette décision seront désastreux dans le proche avenir », prédit-il.
Parmi les réactions enregistrées, la plus remarquable a été celle du président turc Recep Tayyip Erdogan pour qui « Jérusalem est une ligne rouge pour les Musulmans ».
En plus d’une campagne tous azimuts en direction des principales capitales du monde, il a instantanément convoqué à Istanbul, un sommet de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) dont il assure la présidence en exercice et qui a rejeté et condamné la décision américaine et proclamé Jérusalem-Est capitale de l’Etat de Palestine.
Il a réitéré la même position lors de sa récente visite en Tunisie qui a dégagé une similitude des points de vue des deux pays sur cette question.
Dernier contact en date, celui qu’il a eu vendredi dernier par téléphone avec le Pape François.
Tous deux ont averti contre les dangers que peuvent faire naître les décisions inadéquates concernant Jérusalem, « une clé pour la paix et la stabilité dans la région » et ont convenu de continuer à travailler ensemble pour la préservation du statut de Jérusalem, car la ville sainte revêt une importance particulière et symbolique pour le monde musulman, la mosquée d’al-Aqsa qu’elle abrite ayant été la première Qibla (direction pour la prière) des musulmans et est également importante pour les Chrétiens.
Par ailleurs, le président Erdogan considère que le fait de posséder des avions de chasse, des têtes nucléaires et un arsenal militaire ne faisait pas des Etats-Unis un pays fort, « vous n'êtes fort que si vous êtes juste », assène-t-il.
« L'Humanité s’est lassée des conflits. Particulièrement, le Moyen-Orient est fatigué de la guerre. Regardez ce qui s'est passé en Irak et en Syrie, des millions de personnes ont été tuées, des femmes, des enfants et en Palestine où des enfants subissent les exactions les plus inhumaines de la part des militaires israéliens», a-t-il relevé.
« C'est un problème de l'Humanité tout entière, et c'est le message qu'a adressé le vote à l'ONU », a lancé Erdogan qui a invité les Etats-Unis à « procéder à une lecture juste et judicieuse de tous ces développements. Je ne pense pas qu'ils puissent persister dans l’erreur, une erreur aussi flagrante ».
La crise survenue entre les pays du Golfe a été aussi un fait marquant de l’année qui s’achève.
Comme par hasard, ce différend inédit qualifié de « séisme politique », entre des Etats d’une même région précédemment alliés, a éclaté quelques jours après le départ de Trump de Riyad, en Arabie Saoudite où s’est tenu le sommet entre les Etats-Unis et les pays arabes.
Prétextant officiellement un présumé soutien du Qatar aux entités « terroristes », l’Arabie Saoudite et ses alliés, dont les Emirats arabes unis, Bahreïn et l’Egypte, ont tout de go annoncé la rupture de leurs relations diplomatiques avec l’émirat banni qu’ils ont isolé stratégiquement en décrétant un embargo économique à son encontre avec fermeture des accès terrestres, aériens et maritimes.
C’est dire « l'ampleur de cette crise dont les dessous stratégiques ont fait certainement l'objet de discussions et de planifications lors de la visite du président Trump dans la région », avance Huffpost.
De fait, aux contrats juteux empochés en Arabie Saoudite, les Etats-Unis en ont conclu d’autres, singulièrement avec le Qatar pour notamment l’acquisition d’armements couteux. Cet émirat est aussi ciblé pour avoir réussi à s'imposer progressivement comme un acteur indispensable grâce à la multiplication des partenariats économiques avec les puissances internationales après l'installation sur son sol, de la plus grande base militaire américaine de la région et la signature d’un autre accord stratégique avec la Turquie, en plus des relations étroites qu’il entretient avec l’Iran considéré par l’Arabie Saoudite et ses alliés comme leur ennemi principal.
Pour les observateurs, le conflit du Golfe tend en somme à instaurer une nouvelle configuration et un nouvel ordre régional au Moyen-Orient
La tentative d'isoler le Qatar de son voisinage ne pourrait qu'engendrer la mise en place d'une nouvelle configuration au Moyen-Orient et ne manquera pas d’avoir un impact majeur sur la stabilité, la sécurité et l'avenir de toute la région.
En Turquie, les autorités continuent de mettre de l’ordre dans le pays après la tentative de putsch avorté de juillet 2016 grâce à la réaction salutaire du régime appuyé par les masses populaires descendues dans les rues pour stigmatiser l’organisation terroriste FETO qui a fomenté le coup d’Etat manqué.
« Le tribut payé a été lourd. 250 martyrs se sont sacrifiés le soir du 15 juillet mais nous avons conquis l’avenir de notre pays et nous déracinerons les têtes des traîtres », a déclaré le président Erdogan lors du 1er anniversaire de cette tentative de putsch.
Les premières peines ont été prononcées dans le cadre des procès visant les putschistes, a rappelé Erdogan avant d'ajouter : « Les verdicts commencent à tomber dans les procès FETO. Soyez assurés qu'aucun traître à cette nation ne restera impuni ».
Les procès des prévenus impliqués dans la tentative de coup d'État se poursuivent devant les tribunaux compétents dont celui des 486 personnes qui avaient utilisé la base militaire aérienne d'Akinci à Ankara comme centre de commandement.
Des putschistes de FETO ayant tenté d'assassiner Erdogan, ont été condamnés à perpétuité en octobre dernier dont un ancien colonel-major, l'ancien commandant dans les forces spéciales qui dirigeait l'équipe chargée d'assassiner Erdogan, et Zekeriya Kuzu, appelé «imam de la base militaire», surnommé le « Pasha ». Le mot 'imam' n'a pas de connotation religieuse mais représente un degré hiérarchique au sein de l'organisation terroriste FETO.
Lors de la tentative d'assassinat, deux policiers avaient été tués à Marmaris, où se trouvait le président Erdogan au début de l'opération. il a quitté les lieux très peu avant le bombardement.
Jugés le 10 octobre dernier, pour avoir occupé le Centre de soutien logistique de la Mairie d'Istanbul et la Mosquée Aricilar durant la nuit de la tentative de putsch, 7 militaires ont été condamnés à la perpétuité par la 23ème chambre du tribunal pénal d'Istanbul pour avoir tenté de renverser l’ordre constitutionnel.
Le 25 octobre, a commencé le procès de 11 individus suspectés d'implication avec FETO, parmi lesquels des citoyens étrangers, interpellés sur l'Île des Princes au cours d'une réunion, dont 8 ont été incarcérés. Parmi figure la directrice d'Amnesty International en Turquie et d’autres responsable de l'organisation dont des Turcs. Selon l’acte d'accusation, un prévenu est poursuivi pour « appartenance à l'organisation terroriste FETO » et les autres pour « aide et assistance à une organisation terroriste ». Ils risquent des peines allant de 7,5 à 15 années d'emprisonnement.
Toujours dans le cadre de la tentative de push avorté, le 27 octobre, 25 personnes dont l'ancien Commandant des Garde-côtes turcs ont été condamné à la perpétuité par la 17ème Cour pénale de paix d'Ankara. Trois autres suspects ont été acquittés.
D’autre part, 20 prévenus dont cinq incarcérés et d’autres en fuite à l’étranger, sont jugés dans le cadre du procès des dirigeants et correspondants du journal "Cumhuriyet", accusés de soutien aux organisations terroristes du PKK, du FETO et du DHKP/C.Procès du putsch avorté: L'ancien Commandant des Garde-côtes turcs condamné à la perpétuité
Par ailleurs, un procès est en cours pour juger 28 suspects interpellés alors qu'ils tentaient de s'emparer de l'aéroport Sabiha Gökcen, la nuit du putsch manqué. Le procureur de la République a requis la perpétuité pour l'ensemble des prévenus accusés d'avoir voulu renverser l'ordre constitutionnel.
L’année 2017 a, en outre, été marquée par les revers essuyés par l’organisation terroriste appelée « Etat islamique » (Daesh) dont les combattants ont été délogés de leurs bastions notamment en Syrie et en Irak après d’énormes pertes subies sur le terrain.
Le président Erdogan a dit s’attendre à un retour en Afrique de plus de 6000 terroristes après la débâcle subie par Daesh.
Notant que la Turquie se prévaut de 40 ans d’expérience dans la lutte anti-terroriste, il a assuré que son pays sera solidaire avec les pays africains menacés Il a cité la Tunisie qui « actuellement semble calme, mais ils cherchent à la déstabiliser ».
Dans le même sillage, l’année qui s’achève a enregistré une multiplication des attentats meurtriers en Europe particulièrement en Grande Bretagne,
En janvier, Istambul est secouée par un attentat ayant coûté la vie à 39 personnes lorsqu’un terroriste a tiré sur la foule dans l’une des discothèques les plus fréquentées de la ville.
Le même mois, 77 personnes ont trouvé la mort dans un attentat perpétré dans un camp militaire de Gao dans le Sud-est du Mali.
En mars, un double attentat terroriste à Dallas fait au moins 32 morts, tandis qu’à Londres une voiture fonce dans la foule sur le pont de Westminster faisant 5 morts en plus du terroriste.
En avril, deux attentats en en Egypte, contre des églises chrétiennes (à Alexandrie et Tanta), font au moins 44 morts et à Paris, un attentat contre la police aux Champs-Elysées à Paris fait un mort.
Une autre attaque terroriste est perpétrée en mars au Royaume uni, à la sortie d'un concert à Manchester, faisant 22 morts plus l'assaillant, et plus de cent blessés.
Au moins 150 morts et 460 blessés, dans un attentat à la voiture piégée, perpétré en mars également dans le quartier diplomatique de Kaboul, en Afghanistan.
En juin, une nouvelle attaque à Londres fait au moins sept morts, 48 blessés et quatre disparus, en plus des trois terroristes abattus.
Au mois d’août, à Ouagadougou, au Burkina Fasso, un attentat terroriste à la terrasse d'un restaurant fait 18 morts.
A Barcelone, en Espagne, deux attentats font 16 morts et plus de 100 blessés.
A Las Vegas, aux Etats-Unis, un individu tire sur la foule dans un festival de musique country, depuis le 32ème étage d'un immeuble voisin, faisant au moins 59 morts et 500 blessés.
Le 24 novembre, dans le Sinaï égyptien, une attaque terroriste dans une mosquée fait au moins 305 morts.
Un autre phénomène a attiré l’attention pendant l’année 2017, à savoir la montée de l’extrême droite en Europe, synonyme de xénophobie.
C’est le cas en France où la président du Front national, Marine Le Pen a bouleversé le paysage politique. Elle atteignait le second tour avec 33,90% des voix face à Emmanuel Macron lors de l’élection présidentielle de 2017, suscitant les craintes d’une large partie de la population de l’Hexagone, singulièrement les immigrés.
Plus frappante est l’ascension de l’extrême droite en Autriche où son porte drapeau, le « Parti autrichien de la liberté » (FPO), a pour la première fois de son histoire, accédé au pouvoir en accaparant plusieurs ministères régaliens dont les affaires étrangères et l’intérieur.
Son leader, Heinz-Christian Strache, proche des néonazis, devient vice-chancelier. Il dira que l’exécutif est désormais à « 75% FPO » puisque les conservateurs ont repris à leur compte la moitié de ses idées.