Guinée : Elections locales, quels enjeux ?
- Ces élections vont renouveler la politique de décentralisation de la Guinée et contribuer au développement des localités (interview avec le ministre conseiller à la présidence)
Prévues le 4 février prochain, les élections locales sont très attendues par l'ensemble de la classe politique guinéenne, mais aussi par les citoyens.
Et pour cause, cela faisait douze ans que les Guinéens n'avaient pas connu d'élections de proximité qui permettront, assure le ministre conseiller à la présidence de la République Bah Ousmane, interrogé par Anadolu, au développement des localités du pays.
Les dernières élections locales remontaient à 2005 sous la présidence de Lansana Conté dont le parti (Parti de l'unité et du progrès, PUP) avait raflé plus de 80% des suffrages (31 sur 38 communes urbaines et 241 sur les 303 communes rurales que comptait le pays à l'époque).
Les élus locaux seront sous la coupe du PUP jusqu’à la mort de Lansana Conté en décembre 2009, et sous l'incertaine transition militaire dirigée par Moussa Dadis Camara puis du général Sékouba Konaté.
Autant de facteurs qui ont relégué de nouvelles élections locales au second plan.
En 2010, Alpha Condé, ancien opposant historique, devient le premier président démocratiquement élu de cette ancienne colonie française d’Afrique de l’Ouest, régie jusqu’alors par des pouvoirs autoritaires, voire dictatoriaux.
Condé change alors les élus locaux et met des délégations spéciales (en 2011) dans tout le pays. Des nominations auxquelles a réagi l’opposition guinéenne qui reprochait à Alpha Condé d'avoir nommé à la tête des collectivités, des militants de son parti.
A la suite d'une séries de revendications, le président Alpha Condé accepte, en 2015, de partager les délégations spéciales avec les autres partis politiques en attendant la tenue des élections locales.
"Mais, depuis 2005, la Guinée n'a pas connu d'élections locales. Cela peut s'expliquer par la perturbation de l'agenda électoral mais aussi par les nombreux événements qu'a connus le pays’’, a indiqué le ministre conseiller à la présidence de la République, Bah Ousmane à Anadolu.
"Dans une certaine mesure cela a contribué au retard du développement du pays. Parce que le développement à la base s'est retrouvé asphyxié. Il n'y a pas eu de renouvellement des structures locales", a-t-il reconnu.
Finalement, le 6 décembre dernier, le président guinéen a convoqué, via un décret présidentiel, les Guinéens aux urnes pour le 4 février 2018, une date approuvée par l'opposition qui considère que les élections locales apporteront un souffle nouveau à la politique de décentralisation du pays.
"Ce sont des élections de proximité qui concernent les populations à la base. Ces dernières doivent prendre leurs responsabilités en mains. Ces élections vont renouveler la politique de décentralisation du pays et contribuer au développement des localités", a souligné le ministre guinéen.
Pour Ousmane, ces élections permettront de créer de nouvelles structures, avec de nouvelles ressources humaines.
"Les deux combinés pourraient, avec le contexte actuel du pays, apporter beaucoup d'actions communautaires au pays. Nous aurons des structures sociales, économiques, commerciales et un meilleur cadre environnemental, des questions qui préoccupent la population locale. Et avec un développement local, c’est toute la Guinée qui se met en marche vers l’émergence", a-t-il noté.
- Du côté de la population, ces élections sont également très attendues.
Seidouba Sylla, âgé de 23 ans votera pour la première fois de sa vie aux élections locales.
"J'ai toujours entendu parler des élections locales dans notre pays mais c'est la première fois que je vais pouvoir y participer. Et j'en suis très heureux parce que nos prochains élus locaux vont nous aider à développer notre commune", espère ce jeune issu de Matoto, la plus grande commune de Conakry.
"Notre commune est confrontée à de nombreux problèmes. Vous voyez l'etat de nos routes. La poussière change même les couleurs de toitures de nos maisons. Avec des élus locaux, nous pourrons demander à l'Etat d'entretenir nos routes mais aussi de favoriser des activités culturelles et sportives pour nous, les jeunes", indique l'étudiant.
- Sayon, est commerçante au marché de Conakry.
A travers l'élection de nouveaux élus, la jeune femme espère que ces derniers se pencheront sur l'assainissement du marché. "Les autorités de notre commune ne s'intéressent pas à l'assainissement de notre marché. Il y a des ordures partout. Nous voulons choisir des élus pour qui ces problématiques auront un intérêt", souligne-t-elle.
Ce sont 1 318 partis politiques et coalitions (29 554 candidats dont 23,83 % de femmes) qui ont présenté leur candidature aux élections locales du 4 février prochain pour conquérir les places de conseillers des 304 communes urbaines et rurales que compte actuellement la Guinée, selon la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI).
La commission électorale a également annoncé avoir imprimé plus de 5,8 millions de cartes d'électeurs et d'avoir mis en place 15 573 bureaux de vote et 2 764 commissions administratives de distribution de cartes électeurs.
La Guinée, pays qui abrite quelque 12, 4 millions d'habitants d'après les dernières projections de la Banque Mondiale (2016), s'achemine depuis plus de deux ans, vers une reconstruction post-ebola (près de 3 mille morts en 2014), sous le signe du développement.
Mais malgré la richesse de son sous-sol (or, diamant, minerai de fer), plus de la moitié de sa population vit encore sous le seuil de pauvreté, d'après l'ONU.