Burundi: « Avec la nouvelle Constitution, la démocratie est mise à l’épreuve» (Politologue)

Le référendum constitutionnel est prévu au mois de mai 2018 selon la Commission électorale nationale indépendante (CENI)

Burundi: « Avec la nouvelle Constitution, la démocratie est mise à l’épreuve» (Politologue)

Prolongement de la durée des mandats présidentiels, introduction du poste de 1er ministre, exclusion des anciens chefs d’Etats du Sénat sont, entre autres, des modifications proposées de la Constitution de 2005, loi fondamentale dont s’est doté le Burundi après presque une décennie de guerre civile. 

Sur 307 dispositions de la Constitution de 2005, 80 articles ont été modifiés et neuf ont été ajoutés. Néanmoins, les amendements apportés ne sont pas de nature à apaiser un climat politique déjà tendu depuis 2015, partage un politologue approché par Anadolu, qui affirme qu’avec la nouvelle Constitution, la démocratie est mise à l’épreuve. 

S’exprimant sous couvert de l’anonymat sur les principaux aspects faisant l’objet de révisions, il signale que cette nouvelle Constitution prévoit que le président soit élu au suffrage universel direct et ce, pour un mandat de sept ans renouvelable une fois, au lieu de cinq ans. « Ce qui permet au président Nkurunziza de se porter candidat aux présidentielles de 2020 et celles de 2027 », commente-t-il, notant qu’avec l’interdiction de briguer plus de deux mandats successifs, le président actuel a, cependant, la possibilité de se porter candidat plus tard, comme en 2034. 

De plus, le politologue soulève l’ambiguïté de l’instauration d’un poste de 1er ministre qui devra être originaire de la même ethnie et de même formation politique que le président de la République. Or, rappelle-t-il, avec la Constitution de 2005, inspirée de l’Accord d’Arusha, qui a mis fin à plus d’une décennie de guerre civile, les Burundais s’étaient mis d’accord sur le fait que le président soit secondé par un vice-président venu d’une autre ethnie et d’une formation politique différente. 

Et de se demander : « Que vient faire ce poste de vice-1er ministre sans aucun pouvoir, aucun droit de décision et originaire de l’opposition ? » Pour lui, il sera tout simplement un figurant car tous les pouvoirs seront dans les mains du président soutenu par son 1er ministre. 

En outre, poursuit-il son analyse, en interdisant toute coalition d’indépendants, [article 86 de la nouvelle Constitution], il s’agit ni plus ni moins, d’une stratégie ayant pour but d’empêcher toute initiative d’alliance électorale d’Agathon Rwasa, actuel 1er vice-président de l’Assemblée nationale et opposant, susceptible de se mesurer à Pierre Nkurunziza, à la tête de l’Etat depuis douze ans. 

D’après ce politologue, les discussions, les analyses approfondies qui devaient précéder le vote des lois ne seront pas au rendez-vous. « Car, avec la nouvelle Constitution, les lois seront votées à la majorité absolue, contrairement à celle de 2005 qui exigeaient les deux-tiers». Aussi, le fait d’expulser les anciens chefs d’Etats du Sénat, prive cette institution de leur expertise, ajoute-t-il. 

Ce vendredi, la Commission électorale nationale indépendante (CENI), a annoncé que les Burundais étaient appelés à participer au référendum sur la révision de la constitution qui se tiendra en mai 2018. 

Annonce faite trois jours après le discours du président Nkurunziza, pour le lancement de la Campagne d’information de la nouvelle Constitution, durant lequel il avait mis en garde toute personne qui tenterait de s’opposer au prochain référendum. 

«Celui qui tentera de dérouter les citoyens en les incitant à ne pas participer au référendum sera sévèrement sanctionné», avait-il averti. Or, dans un système démocratique, le politologue estime qu’au lieu des menaces et des mises en gardes énoncées, le régime devrait accorder aux opposants et à la société civile de faire une contre-campagne et leur permettre d’appeler leurs sympathisants à voter "Non". 

Selon le politologue, il estime que le résultat de ce référendum est connu d’avance. En effet, justifie-t-il, les Burundais tenaillés par la misère, surveillés par les jeunes militants du parti au pouvoir, n’ont pas d’autres choix que de se présenter massivement pour voter "Oui" à la révision constitutionnelle. 

Le Burundi traverse une crise politico-sécuritaire depuis avril 2015, date de l’officialisation du 3ème mandat de Pierre Nkurunziza, contesté par l’opposition, la société civile et une partie de son propre camp. 

Les violences consécutives à cette crise ont déjà fait plus d'un millier de morts et poussé plus de 420.000 personnes à fuir le pays, selon un rapport de l’agence de l’ONU pour les réfugiés (UNHCR) publié le 11 décembre 2017. 


Le président Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, a engagé le pays dans un processus de révision constitutionnelle malgré la contestation des opposants et ce, sans attendre les résultats du dialogue extérieur jugé plus indépendant et conduit par la Communauté est-africaine (CAE) sous l’égide du Facilitateur Benjamin Mkapa.