«Allah, la patrie, les ancêtres», l'ouvrage qui lève le voile sur les musulmans congolais
Publié en ligne, le livre de 364 pages, fait le décryptage d'une communauté peu connue en RDC et pourtant souvent étonnante
« Allah, la patrie, les ancêtres ». Aux allures de devise, l'ouvrage de Hakim Maludi, journaliste congolais, veut rendre hommage à la communauté musulmane de la République Démocratique du Congo (RDC). Une communauté peu connue et pourtant étonnante, souligne l'auteur rencontré par Anadolu.
Hakim Maludi est le fondateur du site web Dunia Kongo Media, le premier portail digital dédié à l’actualité de la communauté musulmane en RDC.
Ce journaliste, spécialiste des questions relatives à l'introduction de l'Islam en République Démocratique du Congo s'est lancé dans l'écriture d'un ouvrage qui se consacre à l'histoire et à l'évolution à travers le temps de cette communauté religieuse, qui regroupe plus de 10% de la population congolaise évaluée à 87 millions de personnes.
Entre 2016 et 2017, Hakim Maludi s'était déjà fait remarquer par les Congolais d'autres confessions religieuses en publiant un recueil d'une centaine de patronymes de familles Congolaises, tirant leur origine de l'Islam.
Publié en auto-édition sur la plateforme de vente en ligne Amazon, les 364 pages, de ce livre font un décryptage sur une communauté ambitieuse, mais plombée par les rivalités internes et les discriminations subies durant la colonisation, période dont elle n'a jamais su se relever.
Une partie de ce livre, tente aussi d'apporter un éclairage sur les soupçons de collusion entre les fidèles musulmans de la région de Beni avec les rebelles Ougandais de l'Allied Democratic Forces, ADF, implantés dans la région de Beni depuis les années 1990.
- Une minorité musulmane méconnue et discriminée au cours de siècles
"Méconnue depuis des siècles à l’étranger, mais aussi à l'intérieur du pays, la minorité musulmane congolaise n'a été médiatisée que récemment lorsqu’elle a été associée, entre 2014 et 2016, aux ADF, responsables de massacres contre les populations du territoire de Beni (Nord-Kivu)" regrette Hakim Maludi dans un entretien à Anadolu.
"Soupçonnés d’être solidaires de la rébellion ougandaise, décrite comme « islamiste » par le gouvernement et la Mission de l'ONU en RDC, Monusco, les musulmans ont toujours crié à la stigmatisation et à l’instrumentalisation politique", rappelle Maludi, justifiant la motivation qui l'a poussé à rédiger ce livre en vue de sortir la communauté musulmane de la République démocratique du Congo de l'anonymat, dans lequel elle est plongée depuis des siècles.
Longuement et profondément évoquée dans le livre, la situation d'insécurité récurrente à Beni est l’occasion pour ce journaliste et auteur franco-congolais de délivrer un vibrant message d’amour et de cohabitation pacifique entre les ethnies et les différentes communautés religieuses pour le Nord-Kivu, qu’il décrit comme « le joyau de la République ».
Tout en expliquant les torts, comme par exemple au niveau de l'organisation, des autorités musulmanes du Congo, Hakim Maludi plonge les lecteurs du livre "Allah, la patrie, les ancêtres" au coeur d’une communauté autant frappée par la pauvreté, l’insécurité et l’incertitude sur l’avenir, que le reste de la population.
"À travers cet ouvrage, j’ai surtout voulu donner la parole aux premiers concernés; à ces anonymes ou personnalités musulmanes de premier plan, qui vivent la réalité de l’islam congolais au quotidien", relate Hakim Maludi à Anadolu, confiant que toute personne intéressée par ce champ pourra avoir désormais des amples informations jadis inaccessibles sur un format papier.
"On apprend donc que les musulmans de la RDC, en dehors de quelques revendications symboliques et l'attente de gestes de bonne volonté de la part de l’État Congolais, n’expriment aucune demande qui puisse les faire basculer dans le djihadisme", commente un internaute qui s'est procuré ce livre.
Luc Gerard Nyafe est fondateur de Tribeca Asset Management, une des sociétés d'investissement leaders en Amérique latine. Basé à Bogota en Colombie, cet investisseur Congolais suit de près la situation politique et culturelle de la République démocratique du Congo.
Sur son compte Twitter, il précise que le livre "Allah, la patrie, les ancêtres " donne une perspective peu connue sur l'histoire du Congo-Kinshasa et plus particulièrement l'Islam de la RDC, encourageant l'initiateur du site web Dunia Kongo Média à poursuivre l'exhumation de l'histoire de la communauté musulmane Congolaise.
- Une « arabité » assumée
S’il est beaucoup question de la situation dans l’est du pays dans ce livre, on redécouvre surtout les origines arabes de la présence musulmane au Congo.
Marquée par la pratique de l’esclavage à laquelle avaient recours les marchands arabes venus de Zanzibar (côte orientale de l'Afrique) l’islamisation de la RDC est décryptée dans ce livre à travers des personnages historiques qui dominaient le pays avant l’arrivée des Belges, mais aussi à l’aide de témoignages de descendants d'arabes qui peuplent aujourd’hui l'ancien Congo Belge.
"Les récits de ces Congolais aux ancêtres arabes permettent de découvrir la manière dont ils portent avec une fierté éclatante leur double identité arabe et bantoue" souligne Maludi, rappelant ici qu'avec plus de 250 tribus, la RDC reste parmi les pays avec plus de diversité au monde.
Cet héritage, encore palpable dans la province du Maniema dans l'est du pays, où les habitants portent encore les noms arabes de leurs ancêtres, continue à être transmis par les Congolais d’obédience musulmane ou qui ont abandonné l'Islam, qui ont su préserver leur identité voire leur religion malgré l’influence écrasante du christianisme sur toute l'étendue du pays.
- Un passage en revue des traditions tribales.
C’est là l’aspect le plus inattendu du livre, qui parcourt les quatre coins de la République Démocratique du Congo, à la rencontre des populations musulmanes de chaque région, mais aussi des coutumes ancestrales de plusieurs tribus.
Du Kasaï au Kongo-Central en passant par Kinshasa, l'Équateur ou encore le Kivu, ces régions apparaissent comme des laboratoires où l’auteur décrypte certaines croyances des tribus régionales ainsi que les rites observés dans les différents groupes tribaux du pays.
Si les récits de ces traditions tribales mettent en valeur la diversité des ethnies du Congo, ils font surtout apparaître la cohésion et l’unité d’un peuple, quelles que soient les différences régionales, politiques ou religieuses.