2018, la démocratie à l'épreuve des élections en Afrique
Plusieurs échéances électorales et référendaires sont annoncées en Afrique au cours de l’année 2018.
Certains rendez-vous sont déjà fixés, alors que d’autres sont encore en gestation, du fait de la contestation de certains processus électoraux par les mouvements d’opposition, mais aussi parce que certaines échéances ont déjà pris beaucoup de retard, soit par manque de moyens, soit par lassitude ou encore par envie de rester au pouvoir.
C'est la démocratie qui sera à l'épreuve de ces élections, dans la mesure où certaines d'entre-elles sont sans enjeux puisque leurs résultats sont prévisibles d'avance. Mais dans d'autres cas, l'enjeu électoral reflète un véritable défi pour le développement, l'inclusivité et le bien-être des populations.
Dans certains cas, les élections sont organisées juste pour la consommation internationale, mais au fond ce sont des dictatures qui ne disent pas leurs noms.
Voici un round up des principales élections africaines annoncées pour 2018 (par ordre alphabétique ):
Burundi : un référendum décisif
Qui dit élection au Burundi, dit Pierre Nkurunziza, président en exercice depuis 2005, alors que la Constitution est claire sur les mandats présidentiels plafonnés à deux. «Le Président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de cinq ans renouvelable une fois», précise la Constitution intérimaire post-transition au Burundi.
Déjà en dépassement depuis qu’il a brigué un troisième mandat en 2015, Nkurunziza compte modifier la constitution via référendum, en mai 2018, pour rester au pouvoir jusqu’en 2034.
La campagne référendaire qui, théoriquement, doit commencer 14 jours avant le vote, a déjà commencé, aussi bien de la part des partisans du « oui » que ceux du « non », à la seule différence, que les opposants sont traqués, arrêtés, voire exilés ou assassinés. Tout porte à croire que rien ne peut faire face aux ambitions de Pierre Nkurunziza d’une présidence presque à vie.
Cameroun : présidentielle, législatives, sénatoriales et régionales
Les Camerounais seront appelés aux urnes à plusieurs reprises en 2018, dès le mois d’avril pour choisir le Président, les députés, les sénateurs et les conseils communaux et régionaux.
C’est en mois d’octobre que prendra fin le septennat de Paul Biya, au pouvoir depuis 1982. En septembre, c’est le quinquennat des députés, maires et conseillers municipaux qui arrive à terme. Et c’est en Avril que prendra fin le mandat des sénateurs.
Les dates exactes ne sont pas encore communiquées, tout comme les élections régionales.
Ces élections devraient être organisées dans un contexte sécuritaire particulier, marqué essentiellement par la sécession dans les régions anglophones du Sud-ouest et du nord-ouest. Ces régions réclament leur indépendance du pouvoir central de Yaoundé, avec l’avènement d’un nouvel Etat : l’Ambazonie.
Egypte : présidentielle en mars
C’est désormais officiel, L’Egypte tiendra sa troisième présidentielle en 2018. Un premier tour aura lieu du 26 au 28 mars et, un mois après, aura lieu le deuxième tour. Abdelfettah Sissi, en poste depuis son élection en 2014 devrait se porter candidat pour un deuxième mandat de quatre ans.
Khalid Ali, célèbre défenseur des droits de l’homme en Egypte, a également annoncé sa candidature pour ce scrutin.
Guinée : municipales en février et législatives avant la fin de l’année
La Guinée Conakry s’apprête à organiser deux rendez-vous électoraux important : les municipales le 4 février et les législatives avant la fin de l’année.
Les municipales auront enfin lieu après moult reports. Les dernières élections communales ont eu lieu en 2005, alors que les textes en vigueur, exigent que les conseils municipaux doivent être renouvelés dans les trois mois suivant l’élection de la magistrature suprême.
En Guinée, il y a eu des revendications à répétition pour organiser ce scrutin, marqué déjà par une multiplicité des listes candidates et d’une percée des indépendants. Ce scrutin doit également son importance à l’autonomie des communes dans la gestion des affaires des citoyens, liées notamment à l’investissement, à la qualité de la vie, à la participation citoyenne, à la salubrité, à la santé publique, etc.
Libye : Référendum, législatives et présidentielle en 2018
La Libye n’est sans doute pas prête à tenir des élections. La nouvelle constitution n’est pas encore adoptée, d’autant plus que la situation sécuritaire n’est pas encore stable.
Toutefois, sous la pression, notamment de la France, le pays s’est engagé à tenir des élections législatives et présidentielle avant la fin de 2018. Le ministre français des AE, Jean Yves Le Drian a rencontré fin décembre le chef du gouvernement d’union nationale, Faïez Alssarraj, à Tripoli et son rival Khelifa Haftar à Benghazi, à l’Est du pays.
Lors de cette visite, Le Drian, a exigé des élections durant le printemps de 2018, ce qui a suscité la moquerie de plusieurs organes de la presse française qui titraient : «Le Drian rêve d’un printemps en Libye».
Cela étant, le contexte en Libye demeure incertain, avec deux parlements parallèles à Tripoli et à Benghazi. Et la situation de se compliquer davantage avec la déclaration de Hafter, mi-décembre, de ne plus reconnaître l’accord de Skhirat signé en 2015 entre les différentes parties en conflit en Libye, bien que le maréchal Hafter soit favorable à des élections en 2018.
Madagascar : présidentielle et législatives en Avril
Les Malgaches seront appelés aux urnes à deux reprises en 2018. En Avril pour les législatives et en décembre pour la présidentielle.
L’actuel président Marc Ravalomanana, défendra ainsi son poste contre une deuxième prétendant, Andry Rajoelina, alias TGV, et connu comme l’homme de la transition de 2009. Le scrutin aura lieu dans un contexte peu reluisant dans la Grande île.
En effet, après la peste, Madagascar vient d’affronter un cyclone dévastateur, ayant détruit beaucoup d’infrastructures. Ce, outre le défi de la transparence dans la gestion des marchés publics. On reproche au président en place d’avoir favoriser ses entreprises et celles de ses proches au détriment d’entreprises malgaches performantes.
Mali : Elections régionales et locales en avril 2018
Avec des locales et régionales en avril, une présidentielle en juillet et des législatives en septembre, 2018 est une année électorale par excellence au Mali.
En effet, initialement fixées pour le 17 décembre 2017, les élections locales et régionales au Mali ont été repoussées pour le mois d’avril 2018. Sont également concernées une cinquantaine de communes qui n’ont pu tenir des élections en 2016, pour des raisons sécuritaires.
Les élections et la sécurité sont, d’ailleurs, les principales missions du nouveau gouvernement de 37 ministres nommés le 30 décembre, avec Soumeylou Boubèye Maïga comme premier ministre.
2018, est également l’année de la présidentielle. Ibrahim Boubaker Keita, élu président en 2013 suite à un coup d’Etat en 2012 devrait se représenter en 2018 pour un deuxième et dernier mandat (selon la Constitution).
Des législatives devraient, par ailleurs, avoir lieu en novembre. Dans la foulée, un référendum constitutionnel, prévu initialement en juillet 2017, a été reporté pour 2018.
Les dates exactes de ces échéances n’ont pas encore été fixées. Et l’incertitude plane sur ces différentes élections.
Mauritanie : un calendrier assez chargé
La Mauritanie devrait tenir ses élections législatives en novembre 2018, qui marque la fin du mandat de l’actuelle chambre des députés élus en 2013. Toutefois, ce scrutin risque d’être reporté en 2019 jusqu’à la tenue de la présidentielle.
Les arguments avancés par les analystes défendant cette thèse indiquent que le calendrier électoral est déjà trop chargé en 2018 par l’élection des premiers Conseil régionaux dans 13 wilayas, mais aussi par la tenue des municipales, la même année.
Les Conseils régionaux ont été créés par le biais de la réforme constitutionnelle approuvé par le référendum du mois d’août 2017, en remplacement du Sénat qui a été supprimé, dans un but de décentralisation.
Il s’en suit, par ailleurs, une problématique liée à la légitimation de la prolongation du mandat des députés, par quel instrument juridique sera-t-elle faite ?
RDC : présidentielle, législatives et provinciales, le 23 décembre
Suite à une pression internationale et à une contestation continue de l’opposition, la République démocratique du Congo a fini par fixer la date du 23 décembre 2018 pour tenir des élections générales : présidentielle, législatives et provinciales.
Ces élections devaient avoir lieu avant la fin de l’année 2016 qui marque l’échéance du mandat présidentiel de Joseph Kabila, élu en 2006 et réélu en 2011 à la magistrature suprême du pays. Cependant, Kabila est resté à son poste à la faveur d’un accord conclu fin 2016 avec l’opposition sous l’égide de l’Eglise catholique.
Dans cet accord, Kabila s’est engagé à organiser des élections avant fin 2017, engagement qu’il n’a pas tenu, renvoyant les élections à 2019. Mais sous la pression de l’opposition et de la communauté internationale, la date du 23 décembre a finalement été annoncée par la Commission électorale nationale pour la tenue d’élections générales.
Cette date a été soutenue par la communauté internationale, mais contestée par l’opposition qui voulait d’une période transitoire sans Kabila en 2018 et la tenue des élections au plus tard en juin de la même année. Cette thèse n’a pas été soutenue par les populations, sous la menace de la police.
Tchad : des législatives en 2018
Après plusieurs reports depuis juin 2015, des élections législatives ont été annoncées pour 2018 par le président tchadien, s’adressant le 31 décembre au peuple tchadien.
Frappé par une crise économique aigüe, le Tchad a avancé le manque de moyens comme principal motif du report des élections. Mais l’opposition souligne que la législature en place n’était plus légitime depuis le 21 juin 2015, date marquant la fin de son quinquennat.
Quant à la présidentielle, elle est encore loin, dans la mesure où Idriss Déby Itno, au pouvoir depuis 1990, a été réélu pour un cinquième mandat en 2016, malgré la contestation de l’opposition.
Togo : Législatives en juillet et un référendum décisif
Le gouvernement togolais a annoncé la tenue de trois rendez-vous électoraux en 2018 : des législatives, des municipales et un référendum. Aucune date n’est officiellement fixée pour ces scrutins.
Le référendum, en particulier, attire l’attention de l’opinion nationale et internationale. Il devrait permettre de modifier la constitution pour baliser le chemin devant l’actuel président Faure Gnassingbé lors de la présidentielle de 2020.
En effet, le président en exercice veut modifier la Constitution pour pouvoir postuler une troisième fois, voire, une énième fois. C’est, d’ailleurs la raison pour laquelle l’opposition veut restaurer la constitution de 1992, qui limite les mandats présidentiels à deux au maximum et stipule qu’en «aucun cas», un président ne peut rester au pouvoir plus que deux mandats.
Le différend entre le pouvoir et l’opposition porte également sur le mode du scrutin et le vote de la diaspora. Dans cette optique, l’opposition manifeste quasi quotidiennement depuis août 2017.
Faure Gnassingbé a succédé à son père Eyadema en 2005 qui, lui, était au pouvoir depuis 1967. C’est, entre autres, la raison pour laquelle l’opposition et une partie du peuple veut en finir avec le « règne » Gnassingbé.
Tunisie : communales en mai
La Tunisie s’apprête à tenir ses premières élections communales post révolution. Reportées à plusieurs reprises, ces élections devraient avoir lieu en mai 2018. Une fois organisées, ces municipales permettront de renouveler les conseils municipaux et de les doter d’une légitimité électorale, car jusqu’à présent les municipalités sont gérées par des délégations spéciales désignées.
Ces élections permettront également à la Tunisie d’achever la mise en place des institutions démocratiques conformément à la constitution de février 2014.
D’après plusieurs analystes, les élections communales seront déterminantes pour les échéances de 2019, la présidentielle et les législatives.