Un « Séisme » secoue le Palais saoudien?
La récente campagne d'arrestations dans le Royaume peut être considérée comme étant un moyen d’oppression sur les personnalités opposées aux politiques du Prince héritier qui pourrait réussir à les faire taire, mais cela n'est point certain à long terme, avec des prévisions que de pareilles campagnes s'étendent à des personnalités de la famille régnante et à des officiers supérieurs des services de sécurité et de l’armée.
Riyad n'a pas encore commenté les informations rapportées par des médias et des journaux occidentaux, se basant sur des sources qu'elle a qualifiées de « proches du Cabinet royal », au sujet d’un plan portant tentative de coup d’Etat et de l’arrestation de plusieurs membres de la famille régnante ainsi que des officiers supérieurs des services de sécurité et de l'armée.
Depuis le samedi 7 mars, des informations font état d'interpellations de princes saoudiens, dont le prince Ahmed Ibn Abdulaziz, le jeune frère du souverain saoudien, et son neveu, Mohamed Ibn Nayef Ibn Abdulaziz, ancien prince héritier, un tandem accusé d'avoir planifié une tentative de putsch visant à renverser le prince héritier Mohamed Bin Salman.
La récente campagne d'arrestations, que des journaux occidentaux ont rapporté qu’elle a été ordonnée par le prince héritier et avec l'approbation de son père, le roi Salman, s'inscrit dans le cadre des efforts déployés par le prince héritier pour renforcer son emprise sur le pouvoir et supprimer toutes les entraves l’empêchant d'accéder au trône.
La plupart des journaux occidentaux estiment peu probable que ces arrestations soient dues à une tentative de coup d’Etat qui aurait été planifiée avec le concours des Américains et d’autres parties. Cependant, il ressort d’autres informations que le prince héritier a reçu des rapports mentionnant les critiques que lui adressent les princes arrêtés dans leurs cercles privés.
Des observateurs estiment que de nombreuses mesures et décisions prises par le prince héritier depuis qu’il a accédé à son poste, en juin 2017, ont provoqué une colère grandissante au sein de la famille régnante, qui craint que les décisions de Mohamed Bin Salman aboutissent à une atmosphère populaire rejetant le pouvoir de la famille al-Saoud, dans une société réputée pour son engagement religieux et moral.
L'agence de presse américaine « Associated Press » a rapporté que le prince Ahmed Bin Abdulaziz avait exprimé son mécontentement après la décision de fermeture de Sainte Mosquée de la Mecque, qui, selon les autorités, avait pour but d’éviter la propagation du COVID-19.
Le droit du prince Ahmed bin Abdulaziz à accéder au pouvoir est motivé par des considérations inhérentes aux mécanismes de transmission du pouvoir au sein de la famille régnante entre les sept frères du clan al-Sudayri, fils de « Hassa Al-Sudayri », l'une des plus puissantes épouses du fondateur de l'Etat saoudien, Abdulaziz bin Abderrahman al-Saoud (1876-1953).
Agé de 77 ans, le prince Ahmed bin Abdulaziz, est le frère cadet du roi Salman bin Abdulaziz (84 ans), et il est le 31ème fils du roi fondateur Abdulaziz al-Saoud de son épouse Hassa Al-Sudairy. Il est considéré comme une probable option qui bénéficie du soutien des membres de la famille au pouvoir, des services de sécurité et de certaines puissances occidentales.
Le prince Ahmed bin Abdulaziz jouit d'un pouvoir officiel en sa qualité de membre de l‘Instance de l’Allégeance, qui comprend 34 princes parmi les fils et les petits fils du roi Abdulaziz, qui ont pour mission d'assurer la transmission du pouvoir au sein de la famille Al-Saoud.
Néanmoins, le roi Salman, depuis son accès au trône après la mort du roi Abdullah Ibn Abdulaziz, en janvier 2015, a pris une série de décisions et amendé le Statut du Roi et du prince-héritier, de façon à garantir à son fils, Mohamed bin Salman, d’accéder au pouvoir à l'avenir.
En effet, le 29 avril 2015, le roi Salman a émis une série de décrets royaux qui prévoient, notamment, d'exempter, « à sa demande », le prince Muqrin bin Abdulaziz, du mandat de prince-héritier, et de le remplacer par le prince Mohamed bin Nayef bin Abdulaziz, ainsi que de nommer, son fils, Mohamed bin Salman, au poste de vice-prince héritier.
Deux ans plus tard, le 21 juin 2017, le roi Salman a publié un décret royal limogeant le prince Mohamed bin Nayef de son poste de prince héritier et de tous ses autres postes, dans ce que d’aucuns ont considéré comme un «coup d'Etat blanc» pour avoir choisi le prince Mohamed bin Salman comme prince héritier, après approbation de 31 des 34 membres qui composent l’Instance de l’Allégeance, comme l’a mentionné à l’époque un communiqué officiel.
Le limogeage du prince Mohamed bin Nayef du poste de prince héritier est considéré comme la principale mesure prise sur la voie de l'accès au pouvoir du prince Mohamed bin Salman, particulièrement, après que le prince Ahmed bin Abdulaziz n'a pas été nommé au poste de prince héritier du roi Salman.
Le prince Ahmed, fût l'un des trois princes membres de l’Instance de l’Allégeance à s’être opposé à la désignation de Mohamed bin Salman au poste de prince héritier, en prélude à son accès, ultérieurement, au trône du royaume. Il a ensuite quitté l’Arabie Saoudite, au mois de novembre 2017, en direction du Royaume-Uni, quelques jours avant la vaste campagne d'arrestations lancée par le prince Mohamed bin Salman, à l’encontre de nombre de princes, d’hommes d'affaires et de fonctionnaires gouvernementaux, accusés de « corruption ».
Cependant, le prince Ahmed est retourné en Arabie Saoudite, en octobre 2018, après avoir reçu des garanties britanniques et américaines de ne pas être séquestré, à cause des critiques qu’il adressait à l’endroit des politiques du prince héritier au Yémen et concernant l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi au consulat saoudien à Istanbul le 2 octobre de la même année.
Selon des informations occidentales, le prince Mohamed bin Nayef, arrêté, en compagnie de son frère, le prince Nawaf bin Nayef, le vendredi 6 mars, a été soumis à une étroite surveillance, depuis qu'il a été démis de ses fonctions de prince héritier et de ministre de l'Intérieur en 2017.
Les arrestations ont touché également des individus proches de Mohamed bin Nayef, qui, selon certains journaux occidentaux, ont concerné une vingtaine de princes de la famille royale et nombre d’officiers supérieurs et de hauts responsables gouvernementaux.
Parmi les princes arrêtés dans le cercle proche du prince Mohamed bin Nayef, figurent le frère du prince Saoud bin Nayef bin Abdulaziz, gouverneur de la région orientale depuis 2014, et son fils Abdulaziz bin Saoud bin Nayef, ministre de l'Intérieur, qui ont été libérés par les autorités saoudiennes, le lendemain de leur arrestation, avec plusieurs membres arrêtés parmi les princes de la famille régnante et plusieurs autres responsables après leur interrogatoire, selon le journal américain « Wall Street Journal ». Un autre journal a rapporté que les autorités ont arrêté également le prince Mohamed bin Saad Al Saoud, un autre membre de l’Instance de l’Allégeance.
Parallèlement à cela, l'arrestation d'officiers supérieurs, selon des médias occidentaux, donne une forte impression quant à l’existence d’une opposition dans les cercles militaires aux politiques du prince héritier, s’agissant particulièrement, de la guerre au Yémen et de l'absence de réponse aux attaques répétées de l’Iran contre les intérêts saoudiens.
Le prince héritier saoudien a lancé le projet « Vision 2030 », qui prévoit essentiellement, de réduire la dépendance à l'égard des recettes pétrolières et de procéder à des réformes sociales et économiques substantielles, ciblant, particulièrement, la frange de la jeunesse saoudienne, tandis qu’il ressort de nombreux rapports que le taux de chômage parmi les citoyens saoudiens dépasse les 12,8%, et que ce taux atteint le double parmi les jeunes.
En dépit de la réalité reflétant l'insatisfaction, au sein de la famille régnante, au sujet des politiques du prince héritier ou concernant la transmission héréditaire du pouvoir, il n’en demeure pas moins que le prince héritier bénéficie d’une sorte de soutien parmi les jeunes saoudiens, après avoir mené des réformes économiques et sociales qui ont changé le mode de vie en vigueur. En effet, les restrictions imposées aux femmes ont été assouplies et il a accordé un certain intérêt aux loisirs, concerts de musique, cinémas et autres mesures qui pourraient avoir un impact positif sur cette jeunesse, selon des experts.
De plus, l'Arabie Saoudite fait face à de délicats défis au plan économique, après la chute des cours de pétrole sur le marché mondial.
Certains observateurs estiment que toutes les mesures et décisions prises par le prince héritier, considéré comme étant le véritable décideur, s’inscrivent dans le cadre de sa quête pour accéder au pouvoir. La présence de son père, le roi Salman, conférant une certaine légitimité à ses actions et réduisant, par conséquent, les probables refus de la famille régnante de l’accepter comme souverain après la disparition de l’actuel monarque, refus qui constitue la cause la plus plausible de la campagne d’arrestations.
Les membres de la famille régnante mettent en doute, selon des sources bien informées, la capacité du prince héritier à diriger le pays - après le décès de son père - et à faire face au principal défi consistant à protéger l'Arabie Saoudite contre les menaces iraniennes directes ou à travers les forces alliées, après les attaques de la mi-septembre de l'année dernière qui ont ciblé les installations pétrolières de la compagnie Aramco.
Ils reprochent, également, au prince héritier la « faible » performance de ses politiques en plus de son « échec » à honorer ses engagements à battre le groupe des Houthis après la mise sur pied de la Coalition arabe au Yémen, ainsi que la régression du « prestige » et de la position de l'Arabie Saoudite dans le monde après avoir été accusé d'être directement responsable de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi.
A long terme, la récente campagne d'arrestations dans le Royaume peut être considérée comme étant un moyen d’oppression des personnalités opposées aux politiques du Prince héritier qui pourrait réussir à les faire taire, mais cela n'est point certain à long terme, avec des prévisions que de pareilles campagnes s'étendent à des personnalités de la famille régnante et à des officiers supérieurs des services de sécurité et de l’armée. Certains princes, tel que le prince Ahmed bin Abdulaziz, qui bénéficie d'un large écho favorable au sein de la famille dirigeante, ainsi que dans les rangs des services de sécurité qu’il a eu à diriger en tant que ministre de l’Intérieur, plusieurs années durant et de la société saoudienne en général, peuvent se dresser contre pareilles campagnes.