Tunisie:Municipales/Listes indépendantes : Les chances d'un outsider (Opinion)
Les listes candidates aux municipales tunisiennes étaient, mardi à 18 heures, au nombre de 1039. Soit 665 de partis ou de fronts uniques, 25 représentant des coalitions et 349 indépendantes. Elles seront présentes dans 99% des circonscriptions et il est sûr que d'ici jeudi, jour de clôture des dépôts, l'ensemble du pays sera couvert.
Un nombre important pour un scrutin qui est loin de susciter l'intérêt de l'opinion publique puisque les intentions de vote ne dépassent pas ou peu, selon les sondages, 30%.
Sept ans après le 14 janvier et les changements politiques consécutifs au départ de Ben Ali, les Tunisiens sont, en effet, déçus par la "chose" politique et par ceux qui la font, tant le climat social s'est détérioré et leurs conditions de vie rétrogradées. Ils ne croient plus que leur voix, dans un sens ou dans l'autre, apporterait du nouveau ou améliorerait leur situation. La chute de la popularité des grands partis et de leurs figures de proue en témoigne.
Pourtant ces élections du 6 mai prochain revêtent une importance capitale, grâce notamment à l'octroi aux conseils municipaux et régionaux de nouveaux moyens et une autonomie accrue pour gérer les affaires des localités, dans le cadre d'une réelle décentralisation que personne ne conteste, désormais, sinon la nécessité du moins l'avènement.
C'est pourquoi tous les partis, à l'exception de l'Union patriotique libre (UPL) de Slim Riahi qui a annoncé son retrait, s'y sont attelés, consentant les moyens et élaborant les stratagèmes à même de leur permettre de "lever" le maximum de circonscriptions, ce qui leur permettrait de préparer dans des conditions favorables -pour ne pas dire complices- le crucial 2019, année des prochaines législatives et présidentielle.
Coalitions et noms racoleurs
Outre leurs machines, aujourd'hui rodées, les fonds, l'expérience et le potentiel humain dont ils disposent, les partis dominants ont intégré dans leurs listes des noms connus et indépendants -ou jusque-là indépendants- susceptibles de séduire l'électorat.
Certains ont même été catapultés têtes de listes. C'est le cas de Idir, ancien président du populaire Club africain et de Khemakhem, actuel président du non moins populaire Club sportif sfaxien que Nidaa a installés candidats en chefs à Tunis et à Sfax.
Khemakhem aura face à lui sur une liste concurrente soutenue par Ennahdha, "son" joueur de football, l'international Merdassi. Quelques exemples qui montrent que l'on est conscient que les noms politiques ne rayonnent plus. Loin de là.
D'autres formations politiques et pas des moindres, ont choisi de former un bloc et d'aborder ces municipales en listes communes, composés de leurs adhérents (compétences politiques) et coloriées par encore une fois des indépendants et de représentants de la société civile, originaires des régions concernées. Ainsi et pour la circonstance, l'Union civile est récemment née, regroupant pas moins de onze partis dont Afek, Al Massar, Al Jomhouri, Machrou' Tounes et le Mouvement démocrate du "revenant" Ahmed Néjib Chebbi.
Et si en apparence et vu le rapport de forces en expérience et en moyens de l'ensemble de ces formations, bien installées dans le paysage politique, on pourrait avancer qu'elles partageraient exclusivement le "gâteau", avec deux parts dominantes pour les mêmes Nidaa et surtout Ennahdha qui profiterait le plus de l'important taux de désistement prévu, vu la discipline de ses adhérents et sympathisants, mais ce serait, à notre avis, se hasarder et vendre un peu trop vite la peau de l'ours...
En effet, les listes indépendantes, considérées comme des "outsiders", ont des chances réelles de se révéler en surprise de l'issue du scrutin. Menées par des voisins, des amis, voire des parents, de la même localité qui auront l'avantage de connaître le mieux les préoccupations, les doléances et les attentes de leurs électeurs, elles sont capables de remporter des circonscriptions, et pas quelques unes de surcroît.
C'est que la campagne qui profile à l'horizon est une véritable bataille de proximité où les médias, les visites circonstancielles et les modes de propagande traditionnelles auront peu d'effets face au contact de tous les jours dans les cafés et les marchés de la localité, à condition que les candidats fassent preuve, bien sûr, de modestie dans l'exposition de leurs projets, de démontrer qu'ils sont réalisables et de ne surtout pas jouer sur la "suprématie" des partis dominants en se présentant comme un David contre Goliath. Ils verseraient dans le politique et les Tunisiens en ont marre des politiques.
L'adoption du Code des collectivités locales, voulue et attendue de tous parce qu'elle est le seul garant d'une neutralité de l'administration, ne pourra que leur profiter.