Tunisie : les manifestations nocturnes marquent le pas

- Le premier ministre Youssef Chahed assure: "l’Etat est debout et résistera"

Tunisie : les manifestations nocturnes marquent le pas

Les manifestations nocturnes en Tunisie déclenchées à la suite des hausses des prix décidées par le gouvernement, ont, selon les médias et le ministère de l’Intérieur, perdu en intensité mercredi soir par rapport aux nuits précédentes, des heurts sans grande ampleur ayant cependant été enregistrés notamment dans le Grand Tunis et quelques régions de l’intérieur.

Une importante présence sécuritaire était constatée en particulier dans les zones considérées « chaudes » théâtres de heurts violents entre manifestants et policiers. Le déploiement des forces de l’ordre appuyées par l’armée qui protégeait les édifices publics et les espaces commerciaux semblent avoir un tant soit peu dissuadé ce qu’on appelle désormais les « casseurs » dont plusieurs tentatives de pillage ont été avortées.

Dans le même temps, des magasins et autres grandes surfaces ont, à titre préventif, fermé leurs portes plutôt que d’ordinaire.

Néanmoins, des affrontements ont eu lieu dans les quartiers populaires de la périphérie de Tunis notamment dans les cités d’Attadhamoun et Ibn Khaldoun et à Jebel Lahmar où des groupes de jeunes certains cagoulés tentaient d’attaquer un poste de police et les locaux de la sous-préfecture en lançant des pierres contre les policiers lesquels ripostaient par des bombes lacrymogènes dans des courses poursuites à travers les rues.

Des citoyens sont par ailleurs venus prêter main forte aux agents de sécurité à Nabeul, une ville située à 80 km à l’Est de la capitale et à Hammam-Lif, une banlieue sud de Tunis, pour repousser des assaillants ont tenté d’attaquer un train à l’aide d’armes blanches et de cocktails Molotov dont trois ont été arrêtés.

Des échauffourées ont également eu lieu à Tebourba, à 30 km de Tunis, où un manifestant avait trouvé la mort dans la nuit de lundi à mardi.

Des dizaines de manifestants ont défilé dans les rues de la ville pour revendiquer emplois et développement et la libération des personnes arrêtées la veille lors des affrontements avec la police.

Dans plusieurs régions de l’intérieur, des routes ont été coupées à l’aide de pneus en flammes notamment à la cité Aouina de Sousse (centre-est), à Béja (nord-ouest) et dans la ville de Thala du gouvernorat de Kasserine (centre-ouest) où des manifestants ont incendié un poste de police. Les agents ont dû se retirer pour laisser la place à l’armée qui a pris le contrôle de la ville.

D’un autre côté, le ministère de l’Intérieur a, dans un communiqué publié mercredi soir, mis en garde contre des vidéos « truquées » et les « fausses informations » diffusées sur les réseaux sociaux faisant état de cas de mort « dans le but de semer la panique et d’attiser la tension ».

Jeudi, le porte-parole du ministère Khalifa Chibani a fait état de l’interpellation la nuit dernière de 328 personnes impliquées, selon lui, dans des actes de destruction, de pillage et de vol nocturnes qui s’ajoutent aux 237 individus arrêtés la veille pour les mêmes motifs.

Intervenant sur les ondes de radio Mosaïque, il a avancé le chiffre de 21 policiers blessés et de 10 véhicules sécuritaires endommagés.

Le premier ministre tunisien Youssef Chahed, a accusé « les réseaux de la corruption » d’inciter à la violence et au vandalisme pour tenter de déstabiliser le pays.

Il faisait référence à la campagne qu’il avait lancée ces derniers mois contre la corruption qu’il a inscrite comme l’une des priorités de son gouvernement, à côté de la lutte contre le terrorisme.

Cette offensive avait conduit à l’arrestation de plusieurs « barons de la corruption » qui attendent d’être jugés. Le jeune dirigeant tunisien, 41 ans, s’est dit « déterminé » à poursuivre le combat contre ce fléau pour en démanteler les filières notamment au niveau de la contrebande et du marché parallèle qui affecte plus de 50% de l’économie tunisienne, selon les experts.

Lors d’une visite inopinée dans la région d’El Batan, où se trouve la localité de Tebourba, Youssef Chahed a également pointé du doigt « certaines parties politiques » d’être derrière les troubles, en n’hésitant pas de nommer entre autres, le Front populaire, un parti de gauche, dont les dirigeants proclament publiquement leur soutien aux manifestations contre « les mesures injustes » prises par le gouvernement et qui, selon eux, affectent les classes défavorisées.

Le premier ministre a annoncé qu’une enquête a été ouverte pour démasquer leurs auteurs. Il a qualifié la position du Front populaire « d’irresponsable », en s’étonnant que ses députés après avoir voté pour la Loi de finances, viennent de manifester contre elle.

« Ces pilleurs sont à la solde des corrompus que nous avons arrêtés et des contrebandiers sur lesquels l’étau s’est resserré avec la guerre que nous menons contre la corruption. Disons les choses clairement, ils agissent aussi, malheureusement, dans l’intérêt de certains politiciens irresponsables qui les y incitent, le Front populaire a voté l’augmentation de la TVA puis a appelé à sortir dans la rue pour faire tomber la loi ! Je voudrais tranquilliser les Tunisiens, l’Etat est debout et résistera ! », a martelé Youssef Chahed, ajoutant que les investigations détermineront les responsabilités de « qui se cache » derrière le chaos dans certaines régions du pays depuis deux jours.

Tout en déclarant qu’il respectait les protestations et les marches pacifiques contre la cherté de la vie, il a défendu les réformes engagées par son gouvernement. « Elles sont difficiles, certes, mais nécessaires pour redresser la situation économique du pays et améliorer les conditions de vie des Tunisiens », a-t-il plaidé.

En attendant, le Forum tunisien pour les droits économiques et sociaux (FTDES), a appelé à des marches « pacifiques » dans toutes les régions le 14 janvier (dimanche prochain), à l’occasion de l’anniversaire de la « révolution du jasmin » qui avait fait chuter en 2011 le régime de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali.

Selon un communiqué du FTDES, ces marches visent à faire pression sur le parlement pour qu’il tienne « une séance extraordinaire dans le but de réviser les dispositions de la Loi de finance 2018 qui ont conduit à la flambée des prix et les remplacer par d’autres qui consacrent les principes de l’équité fiscale ».