Togo : Abra Bessedi, Dame de Cœur et force d’entrepreneur (Success story)
-Quinquagénaire togolaise, Bessedji Abra Bolouvi, fait travailler une centaine d’ouvriers dans sa ferme «kekeli» («lumière» en français) située à une centaine de km de Lomé
Située entre les villages « Gnétui et Akoumassé » non loin de Kpalimé , à 130 km de Lomé, la ferme Kékéli (« lumière » en français) est un véritable modèle d’entreprise agricole de production 100% bio.
Dans un pays à 60% agricole, créer de l’emploi dans ce secteur est considéré comme un idéal pour réduire le chômage qui avoisine les …
L’histoire de « la ferme Kékéli » est celle de Bessedi Bolouvi Abra, quinquagénaire et mère de trois enfants.
Cette togolaise est mariée à Daniel Bessedi, un suisse, « son unique soutien dans cette aventure », raconte-t-elle.
Cela fait maintenant quinze années, que Abra vit six mois dans les champs du Togo, six mois avec les siens à Genève.
Rencontrée par Anadolu à Lomé, elle raconte que son amour pour la terre vient de son grand père (totalement engagé dans l’agriculture de subsistance) près de qui elle a grandi et qui le lui a transmis’.
Très vite prise par cet amour, elle ne fera pas de longues études, ce qui ne l’empêche de devenir aujourd’hui une agricultrice de haut niveau, exploitant près de 200 hectares (ha) de terres arables et de faire travailler, près de 100 ouvriers .
L’histoire de la ferme Kékéli a démarré en 2003, quand Abra abandonna son emploi de distributrice de courrier à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) en Suisse où elle « gagnait pourtant bien sa vie », pour s’engager dans la culture des terres sur fond propre.
Elle a confié à Anadolu qu’elle n’avait, à ce moment-là, été guidée que par « l’envie de faire quelque chose au pays et au profit des Togolais ».
« J’aime la terre et l’agriculture. Plus rien ne me faisait plaisir. J’ai alors d’abord commencé en 2003 avec 80 ha de terres consacrées à l’élevage des bœufs, des moutons et une vaste plantation de palmiers à huile. Chemin faisant j’ai installé une petite usine de production de l’huile de palme et de l’huile rouge afin de produire, conformément au besoin du marché, de l’huile de qualité et saine » renchérit-elle.
Par la suite, l’agricultrice a ajouté 30 ha de champs de bananes plantains totalement bio, destinées au marché, à la consommation et au prix du marché togolais.
En 2015, Abra a ajouté 80 autres ha à son espace agricole, totalement consacrés à la production du cacao avec pour objectif d’exporter dans un avenir proche sur le marché suisse.
Toutes ces terres sont exploitées à plein-temps.
-Bessedi, « véritable entrepreneur » agricole
S’il est vrai que « les produits issus des champs ne permettent pas vraiment de couvrir toutes les charges », cela n’ébranle en rien la détermination de cette femme à garantir un emploi agricole rémunéré, à ces togolais et togolaises qui travaillent au quotidien sur ses terres.
« Ce que je fais, ce n’est pas pour moi. C’est pour les Togolais » martèle-t-elle.
Aujourd’hui, elle aimerait susciter davantage l’intérêt du pouvoir public.
« J’ai reçu, à plusieurs reprises, la visite des autorités agricoles pour voir ce que je fais, mais sans suite. Pourtant ce projet est intéressant et pourrait servir de modèle à d’autres femmes et hommes qui souhaiteraient investir dans l’agriculture, s’il est exploité », relève-t-elle.
Avec la centaine d’ouvriers dont la moitié travaillent en emploi fixe, Abra Bolouvi Bessedi affirme que sa masse salariale est de 2,1 millions de Fcfa (soit 4000 dollars) chaque mois.
A côté, cette dame de cœur a installé une école primaire gratuite (Ecole Kékéli) qui emploi à plein temps cinq enseignants payés sur fond propre pour l’éducation des enfants des travailleurs de la ferme et des villages Gnétui et Akoumassé.
« Je n’ai pas fait de grandes études et je veux voir des enfants aller bien plus loin que moi », confie la mère de famille.
« Quand j’ai vu que les enfants de mes employés devaient parcourir parfois jusqu’à 25 km aller-retour chaque jour pour étudier, j’ai décidé d’ouvrir l’école Kékéli, en veillant à ce qu’un enseignement de qualité y soit dispensé », détaille à Anadolu Béssedi, avec fierté.
- Poursuivre l’aventure malgré les difficultés
Confrontée entre autres au vol, et à la sécheresse ces deux dernières années, Bessedi n’hésite pas à se séparer, quand il le faut, d’employés véreux. Pour vol, au moins 30 ouvriers ont été licenciés fin 2017.
« Un des agriculteur qui gérait mon bétail a disparu avec au moins 57 bœufs en fin d’année dernière. Nous sommes actuellement toujours à sa recherche » confie-t-elle.
La nature non plus ne lui laisse pas de répit, poursuit-elle, puisque le niveau des eaux a baissé ces trois dernières années impactant gravement les productions qui ont chuté de moitié.
Pourtant, elle garde vif espoir que d’ici deux ans, la situation s’arrange.
Quant à l’année 2018, elle l’espère « fructueuse ».
« Nous prévoyons de produire au moins 5000 l d’huile rouge et 5000 l d’huile de palme », dit-elle.
Dans un pays à 60% agricole, la création d’emploi dans le secteur, est particulièrement salvatrice, soulignent les experts qui rappellent que le taux de chômage serait de plus de 28 % (mais seulement 4 % d’après les autorités).
Depuis quelques années, l’Etat et ses partenaires au développement, investissent grandement, notamment dans le milieu rural.
Plus de 600 milliards de francs CFA (1.2 milliard usd) ont d’ailleurs été prévus pour le Programme National d’Investissement Agricole et de Sécurité Alimentaire.
Mais ces efforts sont pour l’instant encore difficilement perceptibles en termes d’entreprenariat agricole.