Quand les agricultrices ivoiriennes transforment le cacao en "or"
A Padiègnan, dans l'Est ivoirien, un groupe de femmes s'activent. Dans cette localité où plus de 800 tonnes de cacao sont produites chaque année, depuis quelques mois c'est une nouvelle activité qui est au coeur du quotidien des femmes de la région : la transformation artisanale du cacao en beurre, puis en chocolat.
Un procédé qui nécessite patience et sérieux. Du tri, au décorticage, à l'extraction de beurre et à sa transformation en goûteux chocolat. Une activité qui attire de plus en plus d'ivoiriennes, pour qui l'émancipation financière est devenue une nécessité.
"La Côte d’Ivoire demeure la première productrice de cacao dans le monde mais nous, les paysannes, nous ne gagnons pas assez d’argent dans cette filière. C'est pourquoi nous avons décidé de transformer de manière artisanale le cacao, afin d'atteindre notre indépendance financière", explique à Anadolu Véronique Amezian Nguessan, présidente d’une association féminine de Padiègnan.
Une activité qui rapporte, souligne la présidente, qui précise que le kilogramme de beurre de cacao se vend à 5 mille francs cfa (soit 9 dollars) contre 700 francs, (près de 1,30 dollars) le kg du cacao brut.
Ce beurre transformé est utilisé dans l’industrie cosmétique et sert également à produire du chocolat. Le succès étant au rendez-vous, les femmes de Padiègnan construisent désormais une usine qui permettra de transformer plus aisément le cacao.
Une usine qui pourra être fonctionnelle dès le premier trimestre 2018 à condition de recevoir le soutien des autorités, renseignent ces femmes.
"Nous avons besoin de plusieurs machines de transformation car les femmes ont vraiment la volonté de révolutionner ce secteur du cacao. Il faudrait que nos cadres se penchent sur nos doléances car ils siègent dans les instances de prises de décisions" commente Odette Anaki, membre d’une association féminine.
La coopérative des femmes de Padiègnan est composée de 117 membres. Sur les 2 mille 500 coopératives agricoles de la filière cacaoyère du pays seulement 2 transforment actuellement et de façon artisanale le cacao en plusieurs produits dérivés. Et selon plusieurs experts, le soutien financier de l'Etat est une nécessité pour mieux valoriser les initiatives locales de transformation du cacao.
" L'agriculture est toujours restée un parent pauvre, hors c'est un secteur vital de l'économie de notre pays. Le gouvernement doit de plus en plus se pencher sur la transformation des produits locaux à petite échelle au lieu d'attendre de grands groupes étrangers pour révolutionner ce secteur. Il faut fournir les infrastructures et accompagner financièrement ces idées locales d'industrialisation." souligne Moussa Diomandé, économiste ivoirien.
La campagne cacaoyère 2017-2018 a débuté en Octobre 2017 en Côte d’Ivoire. L’est du pays est considéré comme une "boucle du cacao", car il produit en moyenne chaque année 150 mille tonnes de cacao. Le prix du kilogramme est fixé à 700 francs CFA soit près de 1,30 dollars, pour cette campagne cacaoyère. Mais certains paysans de l'est préfèrent même vendre leurs produits au Ghana voisin à 1000 francs cfa -environ 2 dollars- pour tirer de meilleures dividendes de leurs efforts agricoles.
" Apporter une valeur ajoutée au cacao pour gagner plus d'argent c'est une solution formidable que ces femmes viennent de donner pour mieux lutter contre la fuite frauduleuse du cacao ivoirien vers le Ghana. C'est à nous de mieux sensibiliser les paysans pour emboiter le pas à ces femmes car dans notre région la fuite du cacao vers le Ghana demeure une réalité à chaque campagne cacaoyère" a confié à Anadolu Abou Oi Abou président du conseil d'administration de la coopérative CAMAYE.
Du côté du gouvernement, on promet de se pencher prochainement sur la question.
En Côte d'Ivoire, l'agriculture emploie 56% de la population ivoirienne. Le pays produit 40% de la production mondiale de cacao et en transforme que 5%. Les autorités veulent atteindre au moins 50% de transformation des produits agricoles locaux d'ici 2020.