Mounir Chafiq: L’Occident et les Etats-Unis ont perdu le contrôle du monde (Interview)
Dans un entretien accordé à Anadolu à Istanbul, Chafiq a indiqué que « le monde occidental fait face à une sorte de chaos, dès lors que l’Occident et les Etats-Unis ont perdu leur contrôle du monde ».
Le penseur palestinien, Mounir Chafiq, a estimé que « l’Occident et les Etats-Unis ont perdu leur contrôle du monde ».
Dans un entretien accordé à Anadolu à Istanbul, Chafiq a indiqué que « le monde occidental fait face à une sorte de chaos, dès lors que l’Occident et les Etats-Unis ont perdu leur contrôle du monde ».
Cela a généré que, a-t-il poursuivi, que « la pensée démocratique occidentale est entrée dans une phase de régression et de faiblesse, et une sorte d’implosion à travers la montée des orientations nationalistes extrémistes », considérant ce processus comme étant un « coup porté à la démocratie ».
Par ailleurs, Chafiq a estimé que le monde musulman ne « connaît pas de progrès, et il existe de nombreux conflits, tout particulièrement, dans le monde arabe ».
Le penseur palestinien s’est dit convaincu que « la situation s’empire dès lors que le monde est traversé, généralement, par une anarchie intellectuelle, et il n’existe pas à présent une pensée capable de s’imposer ».
« La pensée des pays qui véhiculent des idées générales et vagues est prépondérante et il est possible que son influence s’étend ; cela étant lié à la domination économique, militaire et politique », a ajouté Mounir Chafiq.
Pour illustrer ses propos, le penseur arabe a donné l’exemple de « l’Empire ottoman qui, simultanément à son effondrement, la pensée musulmane a régressé et lorsque l’Occident a dominé le monde, la pensée occidentale a pris le dessus, de même que la pensée communistes etc. »
« La pensée ne meurt pas mais demeure, même amoindrie. Cependant, ce sont les rapports de force qui aident à son développement », a-t-il estimé.
** La force crée la pensée
Chafiq a souligné que « la pensée islamique est secouée, aujourd’hui, par d’innombrables secousses, à cause, notamment, de l’émergence des groupes extrémistes au cours de la récente période, tels que Daech et le Front al-Nusra (Instance de libération du Cham actuellement) et d’autres Mouvements radicaux».
Le penseur arabe estime que ces groupes ont « impacté grandement sur le monde musulman, dès lors qu’ils ont été instrumentalisés par l’Occident pour affaiblir la pensée islamique ».
« L’Islam demeurera sur la scène et si une nouvelle force émergera de l’unification des rangs à titre d’exemple, il réussira, et c’est à ce moment que la pensée islamique se développera à hauteur du volume de la force dont disposeront les Etats islamiques », a-t-il ajouté.
« Lorsque l’Islam était extrêmement faible, cela n’a pas été une entrave à la diffusion de la pensée islamique dans l’Ouest de l’Afrique, ce qui n’est pas synonyme d’une propagation à l’échelle mondiale, mais dans une région en particulier dans laquelle il peut s’imposer mais la domination mondiale de la pensée est intimement liée à la souveraineté et à la force des Etats », a-t-il expliqué.
« Les jeunes d’aujourd’hui vivent une période marquée par la régression de la pensée de gauche, tandis que le monde islamique souffre de chaos, et la pensée démocratique est désormais fragilisée », a abondé dans le même sens, Mounir Chafiq.
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L’idéologie est un accessoire et un corollaire du rapport des forces en termes de puissance et de propagation. Lorsque la force de l’Union soviétique et de la Chine a rétrogradé, l’idéologie communiste a enregistré une reculade face à la pensée démocratique et libérale », a-t-il ajouté.
Et Chafiq de poursuivre : « Je ne crois pas en la création de la force par la pensée mais j’estime plutôt que c’est la force qui est génitrice de la pensée ».
** L‘affaire Khashoggi… « Un monde hors de contrôle »
Evoquant l’affaire du meurtre du journaliste saoudien, Jamal Khashoggi, Chafiq a souligné que « ce qui était demandé lors d’une première phase était d’interroger le journaliste alors que l’assassinat était considéré comme un deuxième objectif. Je pense que l’intention consistait à l’interroger puis de s’en débarrasser ».
« L’affaire du meurtre de Khashoggi prouve que le monde est devenu désormais hors de contrôle. Ainsi, l’affaire accapare l’attention du monde et cela prouve que la planète est secouée par une anarchie médiatique », a-t-il relevé.
Jamal Khashoggi a été assassiné au sein du consulat saoudien à Istanbul, au début du mois d’octobre. Riyad a présenté des versions contradictoires du crime avant d’avancer que le journaliste saoudien a été tué après l’échec de négociations visant à le convaincre de retourner au royaume et que celui qui a ordonné le crime est le « chef du groupe chargé de négocier avec lui » sans livrer son identité.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a considéré que certains propos tenus par le Ministère public saoudien sont « insatisfaits », mettant l’accent sur la nécessité de « dévoiler l’identité de deux qui ont commandité l’assassinat de Khashoggi et de ne pas clore cette affaire de cette façon ».
** La réconciliation palestinienne est tributaire du changement de la politique de Abbas
S’agissant du dossier de la réconciliation palestinienne, Chafiq a relevé que « ce qui se passe sur la scène palestinienne est différent des autres scènes. Il existe deux stratégies distinctes ».
« Il y a une stratégie qui croit que les arrangements, les négociations et les relations avec Washington sont la solution, il s’agit de l’Autorité de Ramallah sous la direction de Mahmoud Abbas et il existe une seconde stratégie qui rejette cette idée et qui estime que seule la résistance est l’option pour libérer la Palestine », a-t-il encore dit.
« Deux points de vue » qui constituent, selon Chafiq, la « cause de la scission », estimant que « les deux idées ne se rencontrent pas et il n’y aura point de réconciliation sauf si Abbas change de politique, dans la mesure où la Résistance palestinienne n’acceptera pas de suivre la politique du président de l’Autorité qui prône les négociations, d’autant plus que cette stratégie a prouvé son échec ».
« Abbas s’obstine et est entêté. Il refuse de se rétracter ou de reconnaître l’échec de l’option des négociations bien qu’il fasse face à une crise aigüe avec Israël », a-t-il lancé.
** Les révolutions arabes n’étaient pas le fruit du hasard
Il a souligné que les « révolutions arabes n’étaient pas le fruit du hasard mais qu’elles sont plutôt la résultante de la faiblesse de l’emprise américaine sur la région et du déséquilibre du rapport des forces à l’échelle mondiale ».
« Les résultats sont globalement négatifs et si de nouvelles révolutions parviendraient à se déclencher, elles se doivent de tirer les leçons échecs passés et d’apprendre des expériences des révolutions du Printemps arabe », a conclu Mounir Chafiq.