Mesures d'austérité au Tchad: un "mal nécessaire" pour N'djamana, un "coup monté" pour l'opposition
- Interview du ministre tchadien de la Fonction publique, du travail et du dialogue social, Mahamat Moctar Ali.
Au Tchad, les tensions sociales vont crescendo, alimentées par une divergence des points de vue des différentes parties prenantes notamment les syndicats et les autorités concernant les mesures d'austérités décidée par N'Djamena.
Les syndicats ont appelé, depuis début janvier 2018, à une grève générale dans les secteurs publics, y compris la justice et la santé, sans service minimum. L’administration publique est restée paralysée par les grèves. Le secteur privé n'a pas tardé, lui aussi à rallier ce mouvement observant une grève du 4 au 6 février.
Plusieurs manifestations pacifiques ont été organisées à l’initiative de l'opposition et de la société civile. la dernière en date a été celle organisée hier dans plusieurs villes du pays pour contester les mesures d'austérité décidées par les autorités.
A N'djamena, les rassemblements ont été ponctués de heurts entre manifestants et forces de l'ordre, avec un bilan de centaines de blessés et de dizaines d'arrestations selon l'opposition.
Introduites par la nouvelle loi de finance, les mesures d'austérités sont fermement dénoncées par les syndicats des travailleurs ainsi que par l'opposition et la société civile. Pour le gouvernement, il s'agit d'un mal nécessaire pour dépasser la période difficile que traverse l'économie du pays.
"Le gouvernement tchadien n’a ménagé aucun effort durant toute l’année 2017 afin de payer régulièrement le salaire des travailleurs, et éviter une crise sociale dont les conséquences ralentiraient les efforts des autorités pour la relance de l'économie, bien que le niveau global des recettes ordinaires n’atteint pas le montant de la masse salariale. Mais, ces actions salvatrices en faveur de la paix sociale sont incomprises par les partenaires sociaux", a déclaré dans une interview à Anadolu, le ministre tchadien de la Fonction publique, du travail et du dialogue social, Mahamat Moctar Ali.
Revenant sur la crise économique que travers le pays, il a noté qu'elle incombe en premier lieu à la chute du baril de pétrole qui a provoqué une chute des recettes publiques.
"Cette récession économique dont les conséquences sont perceptibles dans le monde entier, a plongé notre pays dans une situation de précarité qui nécessite un sursaut patriotique national", a souligné Ali regrettant que ces efforts soient incompris" par les partenaires sociaux.
S'agissant des mesures d’austérité, très contestées par les syndicats et les travailleurs, le ministre estime qu’elles sont les seules issues possibles pour sortir le pays de la crise économique et financière.
"Le gouvernement poursuivra la mise en œuvre des mesures visant à équilibrer les comptes publics, même si les résultats escomptés peuvent paraître lents à atteindre", a ajouté le responsable tchadien, soulignant que tout se fait dans la concertation et la transparence totale.
Et de poursuivre que les travailleurs doivent comprendre la volonté manifeste du gouvernement de sauvegarder la paix sociale. Convaincu de la capacité à circonscrire ensemble cette crise, il exhorte les partenaires sociaux qui sont des acteurs majeurs et incontournables à privilégier la négociation et à éviter les grèves bien que "moyen légal" reconnu pour défendre leurs droits.
Le ministre tchadien a, en outre, précisé, que le gouvernement va oeuvrer en vue de trouver le moyen de s'accorder avec les partenaires sociaux, autour d'une alternative réelle à partir d’une vision commune, à savoir celle de consacrer l’équilibre financier de l’Etat.
Pour la question de la dette intérieure de l’Etat tchadien qui s’élève à environ 800 milliards de FCFA, soit environ 1.5 milliard de dollar, mettant ainsi en difficultés le secteur bancaire du pays, le ministre indique que l’apurement de la dette intérieure constitue une autre préoccupation, qui nécessite d'être résolue, à travers notamment un audit approfondi.
De son côte, l'opposition dit ne pas comprendre l'acharnement du gouvernement à faire baisser les indemnités et les salaires des agents de l’Etat alors qu’il pouvait faire des économies ailleurs, "en rapatriant, notamment, les fonds placés par les proches du régime, dans les paradis fiscaux et le nettoyage des fichiers de la solde des fonctionnaires qui comporte beaucoup des doublons et des faux fonctionnaires"
"Nous ne comprenons pas pourquoi le gouvernement s'acharne à faire payer son ardoise par les fonctionnaires. Les autorités doivent comprendre que le salaire est sacré et incompressible parce qu’il est vital", a souligné à Anadolu, Djividi Boukar, président du parti pour la Démocratique et le Socialisme (opposition).
Djividi note, en outre, qu'il y a "d’autres solutions pour faire des économies et relancer une économie en détresse", citant, entre autres "le rapatriement des fonds détournés par les cadres de l’Etat de 2010 à 2015, estimé à environ 2700 milliards de FCFA (environ 5,120 millions de dollars), révélé par les médias nationaux et avoir le courage de radier tous les fonctionnaires intégrés à la fonction publique par des faux diplômes, dont le nombre est estimé à 11 mille par le dernier recensement des agents de l’Etat.
Joint par anadolu, Haroun Mahamat Barka, membre du ¨Parti socialiste sans frontières ( Opposition) a déclaré que "cette crise est montée de toute pièce par le gouvernement et entretenue par le régime qui ne cesse de protéger les siens, qui ont détourné des fonds publics, conduit le pays dans une situation de chaos social".