Mauritanie: une trentaine d'ONG réclament la libération du blogueur Mohamed Mkhaïtir
-"toujours détenu alors qu’une cour d’appel a ordonné il y a un an de commuer sa peine de mort".
Une trentaine d’organisation de défense des droits de l’homme ont appelé les autorités mauritaniennes à libérer "rapidement et dans les meilleures conditions de sécurité" le blogueur Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir, "toujours détenu alors qu’une cour d’appel a ordonné il y a un an de commuer sa peine de mort".
Cet appel a été lancé dans un communiqué conjoint, cosigné par Amnesty International, Human Rights Watch, Freedom Now, le Forum des organisations nationales des droits de l’homme en Mauritanie et 28 autres organisations de défense des droits humains, et publié le 8 novembre 2018 sur le site d'Amnesty International.
Les ONG signataires précisent que le blogueur Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir (35 ans) est "détenu dans un lieu secret, où il n’a que des contacts très limités avec sa famille et ne peut consulter ses avocats, car les autorités n’ont pas appliqué la décision de libération rendue par une cour d’appel le 9 novembre 2017".
"Tenir un blog n’est pas une infraction et, conformément à la décision de la justice mauritanienne, cet homme doit être libéré immédiatement et sans condition. En outre, il faut que les autorités étudient tous les moyens possibles d’assurer sa sécurité", relève le communiqué.
Mohamed Mkhaïtir a été arrêté le 2 janvier 2014 parce qu’il avait publié, en décembre 2013, un billet de blog sur l’esclavage et la discrimination, notamment à l’égard de la caste des forgerons, dont il fait partie.
Après cette publication, des manifestations de grande ampleur réclamant son exécution pour "blasphème" , dont une qui a bénéficié de la bienveillance du président de la République, ont eu lieu dans tout le pays.
Mohamed Mkhaïtir s’est "repenti" à plusieurs reprises, pendant son interrogatoire par la police et dans une déclaration écrite datée du 11 janvier 2014. Son procès s’est ouvert le 23 décembre 2015. Inculpé "d’apostasie et d’outrage au prophète Mahomet", il a été condamné à mort le lendemain, rappellent les ONG.
Le 9 novembre 2017, une cour d’appel a ramené sa peine à deux ans d’emprisonnement, qu’il avait déjà purgés, et lui a infligé une amende. En mars 2018, le ministre de la Justice, Mokhtar Malal Dia, a déclaré dans une interview que le blogueur était "toujours détenu quelque-part en Mauritanie" .
En mai les autorités mauritaniennes ont informé le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) que cet homme était "en détention administrative pour sa propre sécurité" .
Pendant près d’un an, les avocats de Mohamed Mkhaïtir n’ont cessé de demander de lui rendre visite mais le ministre de la Justice ne leur a pas répondu. Mohamed Mkhaïtir serait en mauvaise santé et aurait besoin de soins médicaux urgents.
Le communiqué rappelle enfin que l’Assemblée nationale mauritanienne avait adopté, en avril 2018, un texte qui remplace l’article 306 du Code pénal et rend la peine de mort obligatoire en cas de "propos blasphématoires" et d’"actes sacrilèges".
La nouvelle loi supprime ainsi la possibilité, prévue par l’article 306, de remplacer la peine capitale par une peine d’emprisonnement pour certaines infractions liées à l’apostasie lorsque l’auteur se repent immédiatement. En outre, elle étend le champ d’application de la peine de mort aux "actes de rébellion".