Khashoggi en 14 étapes : une affaire présente et une dépouille absente (Encadré)

-L'assassinat du journaliste saoudien à l'intérieur du consulat de son pays à Istanbul avait provoqué un tollé auprès de l'opinion publique internationale, à la faveur d'une large mobilisation turque, dont les échos sont toujours constatés.

Khashoggi en 14 étapes : une affaire présente et une dépouille absente (Encadré)

Depuis l'assassinat du journaliste saoudien, Jamal Khashoggi, (59 ans) à l'intérieur du consulat de son pays dans la ville turque d’Istanbul en 2018, ce dossier est passé par 14 étapes principales, dont la plus récente est le rapport des services de renseignement américains, témoignant de la forte présence de l'affaire, dont la dépouille du principal concerné est encore absente.

Ce crime odieux avait provoqué un tollé auprès de l'opinion publique internationale, à la faveur d'une large mobilisation turque, dont les échos sont toujours constatés, empêchant de clore ce dossier par des verdicts saoudiens définitifs, en 2020, et qui font l’objet de critiques acerbes.

Selon des données officielles, l'Agence Anadolu a retracé les principales étapes, depuis le meurtre de Khashoggi jusqu’à la diffusion du rapport américain.

1- Une disparition qui suscite l'intérêt du Monde

Le 2 octobre 2018, Jamal Khashoggi est entré au consulat de son pays à Istanbul pour achever des procédures administratives de son mariage avec sa fiancée turque, Hatice Cengiz, Cependant, le journaliste n’est pas ressorti du bâtiment du consulat.

Des interrogations et des accusations turques et internationale se sont multipliées en pointant du doigt l’Arabie Saoudite, avec des réclamations faites par la famille pour internationaliser l'affaire, selon un tweet de Abdallah, fils de Khashoggi, trois jours après la disparition de son père.

2- Reconnaissance saoudienne après déni

Après 18 jours de déni et de versions contradictoires, Riyad a reconnu le meurtre et procédé à l'interpellation de 18 individus, en majorité des proches du prince-héritier Mohammed Ben Salmane (MBS), sans pour autant fournir de données sur le lieu où se trouvait la dépouille du journaliste défunt.

3- La demande d’Erdogan

Après les apparitions successives des vérités au sujet de la disparition de Khashoggi, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, s'est attaché, en date du 23 octobre 2018, à sa demande de juger les criminels.

Le Parquet d'Istanbul a annoncé, le 31 octobre, que Khashoggi a été asphyxié avant que son corps ne soit découpé, selon un plan préétabli.

La justice turque avait lancé, en date du 5 décembre 2018, un mandat d'arrêt contre des responsables saoudiens proche de Ben Salman. Il s'agit de l'ancien du directeur-adjoint des Services de renseignement Ahmed al-Assiri, et de Saoud al-Kahtani, un des proches collaborateurs de MBS, étant tous les impliqués dans le crapuleux crime. La justice a également réclamé l'extradition des autres accusés.

4- Un procès saoudien « derrière des portes closes »

Compte tenu des mesure turques et des condamnations internationales, la première séance du procès intenté contre les meurtriers de Khashoggi (sans les nommer) a démarré à Riyad, en date du 3 janvier 2019. Les accusations ont porté sur « une altercation et une piqûre anesthésiante menant au décès ».

Le lendemain, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme a réclamé une enquête indépendante avec une participation internationale.

Le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, avait indiqué, le 21 janvier, que son pays est disposé à mener et à participer à une enquête internationale.

Deux mois après ce procès, Agnés Callamard, rapporteur spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a souligné que « le procès se déroule derrière des portes closes », réclamant la tenue d’un procès public, tout en dévoilant le sort de la dépouille de Khashoggi.

5- Délégation onusienne en Turquie

Une délégation onusienne conduite, notamment, par Callamard, a effectué, entre le 28 janvier et le 3 février 2019, plusieurs rencontres à Ankara et à Istanbul, en rapport avec le crime.

6- Des sanctions américaines

Le département d'Etat américain a inscrit, le 10 avril 2019, seize individus saoudiens sur la liste des sanctions, en rapport avec le meurtre de Khashoggi.

Ces sanctions sont intervenues un mois après la publication du Rapport des Etats-Unis sur les droits de l'Homme dans le monde, au titre de l'année 2018, d’où il ressort que le gouvernement saoudien n'a pas livré d’explications détaillées au sujet de l’enquête sur le crime.

7 - La condamnation de Callamard

Le 21 juin 2019, un rapport onusien élaboré par Callamard a fait assumer au prince-héritier MBS la « responsabilité préliminaire » du meurtre de Khashoggi. Ce rapport a été rejeté en bloc par le royaume.

8- La promesse d’Erdogan

Le président Erdogan un souligné dans une tribune, publiée le 30 septembre 2019 dans le journal américain « The Washington Post », que « notre action visant à sanctionner les auteurs du crime est une dette que nous nous devons d’honorer à l'endroit de la famille Khashoggi ».

9- Les « Grands » innocentés en Arabie Saoudite

Le 23 décembre 2019, un tribunal saoudien a infligé la peine capitale à cinq individus (sans les identifier) sur les 11 condamnés, tout en relaxant trois personnes, parmi les proches du prince-héritier. Il s'agit d’al-Kahtani, d’al-Assiri et du consul du royaume à Istanbul à l'époque des faits, Mohamed al-Utaibi.

Le ministère turc des Affaires étrangères a estimé que « le verdict est loin de satisfaire les aspirations d'Ankara et de la communauté internationale ».

10- Le chef d'accusation turc

Le 25 mars 2020, le Parquet d'Istanbul a rendu public une liste de chef d’accusations réclamant l'emprisonnement de 20 personnes, dont des proches de MBS.

11 – Grande pression

Au mois de mai 2020, la famille de Khashoggi a « gracié » les assassins de leur père « pour l'amour de Dieu » et des internautes saoudiens ont évoqué sur Twitter l'existence de pressions énormes exercées sur la famille.

12- Le procès turc

La journée du 3 juillet 2020 a été marquée par la tenue de la première séance du procès des assassins de Khashoggi à Istanbul.

13- L'Arabie Saoudite clôt le dossier

Au mois de septembre 2020, la justice saoudienne s'est rétractée en appel en annulant définitivement les peines capitales prononcées contre les accusés dans l'affaire, se contentant des peines d'emprisonnement oscillant entre 7, 10 et 20 ans contre 8 individus. La justice saoudienne a ainsi clôturé l'affaire après le pardon de la famille Khahoggi.

14- un rapport et des décisions américaines

Le 26 février dernier, un rapport des renseignements américains a estimé que le prince héritier saoudien avait agréé l'arrestation ou le meurtre de Khashoggi.

Riyad a rejeté le rapport le considérant comme contenant des informations et des déduction « dénuées de rigueur ».

L'Administration américaine a décidé, également, l'interdiction d'octroi de visas d'entrée aux Etats-Unis à 76 saoudiens impliqués dans des actes de menace à l’endroit de ressortissants saoudiens à l'étranger. Ces mesures sont prises dans le cadre de la nouvelle politique américaine baptisée « Khashoggi Ban », infligeant de nouvelles sanctions à l'encontre des hauts responsables, dont al-Assiri.

Il est attendu que le président américain, Joe Biden, publie, lundi, une déclaration portant sur l'Arabie Saoudite, à la suite de la publication du rapport et de l'imposition de sanctions.