Guinée équatoriale: La langue bubi mène un combat de survie

Guinée équatoriale: La langue bubi mène un combat de survie

De moins en moins de personnes parlent bubi en Guinée équatoriale. Pourtant, le bubi est la deuxième langue du pays avec 10% de locuteurs.

Cet abandon est dû à la montée en puissance de certaines langues métissées comme le pidgin, une mixture d’afro-anglo-espagnol, suscitant plusieurs interrogations sur le pourquoi de ce déclin.

La Guinée équatoriale compte, au fait, six langues locales. La plupart d’entre-elles sont non-écrites et éparpillées sur l’ensemble du territoire de ce petit pays insulaire de 28.000 km². 

Le bubi est en train de s’éteindre doucement. Alors, les populations bubi ont décidé de ne pas baisser les bras. Ils se mobilisent et font tout ce qu'ils peuvent pour la maintenir. 

«Je suis venue spécialement de Barcelone pour assister à cette journée, parce qu’il faut que notre langue continue d’exister», explique à Anadolu, Remei Sipi, une Bubi vivant en Espagne depuis plus de 30 ans. 

«Le grand problème que nous rencontrons, aujourd’hui, c’est le maintien de la langue. Notre langue a souffert de la dictature. Autrefois, on nous interdisait de parler le bubi. Ceux qui violent cette interdiction, se voyaient accrocher autour du cou une corde avec des carapaces d’escargots. C’est une époque qui a été très dure pour nous et cette menace continue encore de peser», poursuit Sipi. 

Luis Sorizo Sibacha, 85 ans, est le patriarche de la ville. Ancien musicien équato-guinéen, il est père de plusieurs enfants et grand-père de petits-enfants qu’il a éduqués, avec son épouse, dans la même ville de Moka (dans le sud)au cœur de la culture bubi. 

Il est inquiet parce que «très jeune, tout le monde parlait parfaitement le Bubi», se rappelle-t-il, jusqu’au jour où l’une de ses filles s’est mariée à un Pidgin et fondé sa propre famille. 

«Lorsque j’entends mes petits-fils parler pidgin, un anglais cassé, je m’inquiète. Nos jeunes ne savent plus à quelle identité se référer. Et, pourtant, sans notre langue, nous n’existons pas», regrette-t-il. 

Interrogé sur cette problématique, le Dr Eleme Asumu, linguiste Equato-guinéen, note que les Anciens parlent le Bubi pour des raisons de survie. 

«Les jeunes, particulièrement, doivent s’adapter au milieu, mais sont influencés par la modernité», explique-t-il, d’où le déclin possible et imminent du bubi. 

«C’est surtout le faible poids démographique, économique et culturel des Bubi (environ 80.000) qui pourrait contribuer à la disparition de ses locuteurs», soutient Eleme Asumu. 

Une génération suffit pour perdre la langue 

Les témoignages abondent sur la lente disparition du bubi en Guinée Equatoriale au profit des langues étrangères comme l’espagnol, l’anglais et le français. 

Eleme Asumu est formel «une génération suffit pour cesser de transmettre le bubi et perdre cet héritage. Et les Bubi sont déjà dans cette phase». 

Une fois par an, des concerts de musique, de chants, de la danse traditionnelle, des souvenirs, des hommages et du respect sont organisés à Moka. Il y a aussi des réflexions sur le risque de la disparition du bubi, des ateliers de lecture et d’écriture de la langue, des chansons populaires pour les enfants, et des séances de dégustation de la cuisine bubi. Le tout pour rappeler «l’essence même de notre culture, de notre identité», Explique Remei Sipi 

L'Institut français (IF) de Guinée Equatoriale a accompagné la journée en des séances d’enregistrement dans l’optique de «créer un fonds documentaire vidéo qui alimentera le futur musée de Malabo», souligne Maurice Martinez, le directeur de l’Institut qui prévoit, d’ailleurs, au mois de mai prochain, une semaine consacrée à la tribu bubi. 

L’école pour limiter les dégâts 

Il y a 5 ans, un projet avait été soumis au gouvernement équato-guinéen pour l’apprentissage de la langue bubi, au même titre que les autres langues. Mais, cette proposition n’a pas trouvé un écho favorable. 

Aujourd’hui, le bubi continue de se battre non seulement pour exister, mais aussi pour maintenir ses origines autochtones, dans un contexte hostilement ouvert. 

Des rencontres et des ateliers de promotion de la langue bubi sont régulièrement organisés dans la ville de Moka, ville de naissance de Malabo Löpèlo Mëlaka, de la dynastie Bahítáari (1837-1937), le dernier roi de cette tribu dont la capitale de la Guinée Equatoriale porte le nom : Malabo.