France: Le nouveau plan de lutte contre la «cyberhaine», efficace?
Le Premier Ministre français Edouard Philippe, a dévoilé son projet de lutte contre la haine et le racisme sur internet qui se veut "plus efficace", en poussant notamment les plateformes en ligne à « prendre leurs responsabilités ».
Edouard Philipe a fait son annonce, lundi, accompagné de huit ministres, dans un lieu symbolique, le Musée de l’histoire de l’immigration à Paris, a rapporté le correspondant de Anadolu.
Un deuxième plan (2018-2020) qui s’inscrit dans la continuité du premier dispositif qui avait été lancé en janvier 2015 à la suite d’une augmentation significative des actes islamophobes et antisémites après les attentats qui ont secoué l'Hexagone (notamment les attentats de Paris en 2015).
Comme l’avait annoncé le Président Emmanuel Macron début mars, la France souhaite la mise en place d’un projet « large » et « ambitieux » pour lutter contre la haine sur internet, a soutenu, face à la presse, le Premier ministre.
Pour ce faire, le gouvernement français souhaite, notamment, pour cela la mise en place d’une législation au niveau européen forçant les opérateurs d’internet, particulièrement les réseaux sociaux, à enlever dans des délais courts les contenus en lignes à caractère haineux, raciste ou antisémite.
Mais sans attendre cette initiative européenne, le gouvernement français veut légiférer sur la question au niveau nationale et prendre les mesures adéquates.
Malgré une baisse des actes de haine en 2017, le Premier Ministre a considéré, que les chiffres n’expriment pas forcément le déferlement de haine quotidien sur internet.
Pour lui, il faut imposer aux opérateurs d’internet de contrôler l’expression et de réagir aux propos haineux, quitte à sanctionner les opérateurs qui ne le feraient pas, car ces derniers ne peuvent pas se considérer « hors sol ».
« On ne me fera jamais croire que les réseaux sociaux seraient des espaces hors-sol. Pour moi, tout ce qui est publié et diffusé en France, est publié et diffusé en France. Et doit donc répondre aux lois de la République », a-t-il déclaré.
L’exemple de l’Allemagne a d'ailleurs été cité comme source d’inspiration. En effet, chez les voisins allemands, les grands opérateurs en ligne et réseaux sociaux sont menacés d’amendes lourdes, pouvant aller jusqu'à 50 millions d'euros, si les propos haineux ne sont pas retirés rapidement.
Le chef du gouvernement a ainsi estimé qu’il y avait un laxisme aujourd’hui de la part des opérateurs du net et des gestionnaires des réseaux sociaux. « Ce qui m’énerve, c’est que de nos jours, il semble plus facile de retirer la vidéo pirate d’un match de foot que des propos antisémites ».
Pour mener à bien sa mission, le gouvernement français veut même créer des enquêtes sous pseudonyme. Il s’agirait en l’espèce d’entrer dans des espaces de discussion sur internet où des « cyberenquêteurs » seraient chargés de mesurer l’état des lieux et d’identifier, le cas échéant, les auteurs de propos haineux, violents ou racistes. Cela sera inclu dans le projet de loi sur la justice, qui va être présenté le 18 avril en Conseil des ministres.
La plateforme de signalement de contenus illicites « PHAROS », se verra aussi renforcée et dotée de moyens supplémentaires par l’exécutif, pour mener à bien sa lutter contre la cyberhaine.
Bien que la « cyberhaine » soit une vraie problématique de société, posant la question d’un renouveau législatif face à l’évolution constante des formes d’expression et de communication ainsi que l’émergence des nouvelles technologies de l’information, ce type de mesures posent aussi des questions.
En effet, selon les observateurs, la liberté d’expression restant le principe premier, on peut se demander face à ce type de mesures, qui détiendra l’autorité pour déterminer ce qui relève de la liberté d’expression et ce qui relève de la l’expression haineuse illégale. Le risque d’arbitraire est présent, ainsi que la possibilité de faire taire des voix politiques gênantes sous prétexte de propos haineux.
Ensuite, il existe aussi un risque, quand on sait par exemple que des propos haineux ouvertement islamophobes sont régulièrement considérés comme relevant de la liberté d’expression, malgré l’atteinte objective qu’ils portent à la dignité des musulmans, alors que d’autres propos équivalents touchant d’autres groupes, sont jugés comme inacceptables et devant engendrer des sanctions.
Ainsi, ce type de plan, bien que louable sur le principe, porte malgré tout le risque potentiel de renforcer des formes de censure arbitraire ainsi qu’une forme de deux poids deux mesures où le critère permettant de
juger de la validé ou non d’un propos sera l’idéologie ambiante très subjective ou non une appréciation objective des faits.