Egypte - Démission du gouverneur de la Banque centrale sur fond d'une crise monétaire (Analyse)
-Plusieurs facteurs et raisons ont resserré l’étau sur la Banque centrale d'Egypte -La démission intervient concomitamment avec des discussions menées par Le Caire avec le FMI
Le gouverneur de la Banque centrale d'Egypte, Tarek Amer, a quitté l'enceinte de l'une des principales institutions régaliennes du pays qui a retracé la politique monétaire de l'Egypte, troisième principale économie du Monde arabe.
En poste depuis 2015 et reconduit pour un deuxième mandat de quatre ans, Amer a subi récemment une série de pressions, après que les investisseurs étrangers ont retiré près de 20 milliards de dollars des marchés des dettes locales (Argent chaud).
Le gouverneur démissionnaire a fait face également au sort des approvisionnements des produits alimentaires devant être assurés à plus de 100 millions d'Egyptiens, au moment où l’On assiste à une augmentation des prix des denrées alimentaires sur le plan mondial, à cause de la guerre russo-ukrainienne et de la hausse de 90% du volume et du cout des importation, durant cette année. La moyenne mensuelle des importations de cette catégorie s’élève à 9,5 milliards de dollars.
La baisse des réserves des devises fortes en Egypte a été contrecarré par Amer par une série de mesures visant à préserver les liquidités disponibles sur les marchés locaux. Toutefois, les réserves en devises ont poursuivi leur baisse à cause de la persistance des risques mondiaux.
** Victime de la guerre
En effet, l'Égypte a été victime de la guerre russo-ukrainienne cette année, et auparavant le pays a été une victime de la politique élaborée de commun accord par la Banque centrale et le gouvernement, après avoir identifié en l’outil de la dette une source pour fournir et assurer les devises étrangères.
Le gouverneur démissionnaire a quitté certes la Banque centrale mais est entré à la Présidence de la République en tant que conseiller du président Abdelfattah Sissi, ce qui a soulevé une série d'interrogations sur les coulisses de la double démission/nomination.
** Discussions avec le FMI
La démission intervient à un moment où l'Égypte mène des discussions avec le Fonds monétaire international (FMI), dans le but d'obtenir un prêt, dont la valeur n'a pas été annoncée, mais des banques américaines d'investissement l'évaluent à quelque 15 milliards de dollars.
Toutefois, le FMI réclame du gouvernement égyptien la réalisation d'une série de réformes majeures, qui pourraient impacter la stabilité de la société, dès lors qu'elles toucheront le mécanisme de subventions et pourraient aboutir, selon nombre d'observateurs, à un deuxième flottement de la monnaie locale, la livre.
Tarek Amer était l'initiateur du premier flottement de la livre, au mois de novembre dernier, une décision qui n'a pas permis à l'Égypte d'atteindre l'intégralité de ses objectifs, dans la mesure où malgré la réduction des opérations sur le marché parallèle des devises, il n'en demeure pas moins que la livre est restée à des niveaux lointains du cours avant le flottement.
** Les cours de change
Avant le début de la guerre russe en Ukraine, le dollar américain était changé contre 15,6 livres, alors qu'il était à 8,88 livres avant le flottement. Actuellement, le cours du dollar est de 19,1 livres.
Malgré la réussite de Amer à préserver le cours de changer du dollar américain à 15,6 livres durant les cinq dernières années, il n’en demeure pas moins que les risques de parier sur l’argent chaud a explosé aujourd'hui à la figure de l'économie égyptienne.
Amer a exprimé, à maintes reprises, lors des réunions économiques avec le FMI ou avec la Banque mondiale, la possibilité d’assouplir les cours de change, ce qui semble être une des demandes du FMI, comme un préalable essentiel avant d'approuver l'octroi du prêt financier.
Certains observateurs estiment que la démission pourrait être la résultante de différends qui n'ont pas été rendus publics et qui auraient éclaté à l’intérieur de la Banque centrale d'Égypte ainsi que dans la politique monétaire tracée par le ministère des Finances et le gouvernement.
Ces divergences sont vraisemblables en raison notamment de l'absence de toute information sur les discussions menées par l'Égypte avec le FMI, ce qui rend probable l'existence de différends aigus au sujet du coût des réformes offertes et concédées par le gouvernement et celles suggérées par le FMI.
L’Egypte dispose aujourd'hui de réserves en devises fortes avoisinant les 33,5 milliards de dollars, tandis que la totalité des investissements des pays du Golfe déposés dans la Banque centrale dépassent les 14 milliards de dollars.
Face à cette configuration spécifique de l'avenir de la politique monétaire en Egypte, Amer s'est contenté dans sa démission de lancer que son départ est motivé par la volonté d'insuffler un sang nouveau pour assumer la responsabilité.