Côte d’Ivoire: Il n y a nul fatalité à être «handicapé»
En Côte d’Ivoire, nul fatalité que d’être « handicapé ».
Qu’ils soient mal-entendants, mal-voyants, ou à mobilité réduite, les Ivoiriens dit « handicapés », ne manquent ni de courage, ni d’ambitions et participent activement au développement du pays.
Ils sont d’ailleurs de plus en plus nombreux à intégrer divers corps de métiers et à devenir, également, pourvoyeurs d’emplois.
C’est notamment le cas de Kouadio Georges, 40 ans, tisseur de métier.
Rencontré à Abidjan, la capitale économique ivoirienne par Anadolu, Kouadio revient sur son parcours, et sur le jour où tout a basculé.
C’est à l’aube de sa vingtième année, que le quadragénaire, tombe malade, et en vient à perdre totalement la vue, plongeant par la même dans le désespoir, raconte-t-il.
Mais « la vie ne fait pas toujours de cadeaux », et il faut se relever. C’est alors que l’homme reprend goût à la vie, en intégrant l’Institut des aveugles d’Abidjan. Il doit alors réapprendre à vivre, et développer ses autres sens.
Vient ensuite le moment de trouver du travail : un nouveau défi.
Face au scepticisme fréquent d’employeurs potentiels, Kouadio décide d’être son propre maitre et réfléchit à une activité génératrice de revenus.
Il monte alors son atelier, qu’il installe au sein d’une résidence à Cocody 2 plateau (nord-est d’Abidjan). Ici, il tisse du nylon, de diverses couleurs, à la main, confectionnant des sacs, des portemonnaies ou encore des lits-picots.
«L’artiste », ne travaille pas seul. Sa petite entreprise fonctionne si bien qu’il a décidé d’employer un couturier, chargé du montage de la popeline et de la fermeture des sacs.
Pour la fabrication des lits-picots, Kouadio s’est également offert les services d’un ferronnier qui fabrique le support ainsi que ceux d’un peintre pour l’embellissement.
Comme la majorité des non voyants, Georges a développé davantage ses autres sens, notamment celui du toucher, ce qui lui permet de travailler, et de faire travailler son imagination.
« Je travaille avec le toucher pour déterminer la qualité du nylon que j’utilise. Pour les couleurs, les voyants m’aident à choisir. Et puis je mets des signes distinctifs sur chaque objet pour les reconnaitre», explique-t-il à Anadolu, joignant le geste à la parole.
Le tisseur ajoute commercialiser sacs et portemonnaies entre 7 mille FCFA (13 USD) et 15 mille FCFA (288 USD), et les lits-picots entre 35 mille FCFA (66 USD) et 50 mille FCFA (94 USD).
Sans révéler le revenu engrangé, Kouadio assure que lui et ses employés, touchent tous de quoi vivre sereinement.
Mais loin de vouloir s’arrêter en si bon chemin, le quadragénaire ambitionne de s’installer dans un atelier encore plus grand, et d’employer davantage d’Ivoiriens.
Son objectif à long terme, c’est, dit-il, d’ « avoir son propre centre de formation et de former ses frères mal-voyants ».
La Quarantaine révolue, Kouassi Konan Paul alias « Konan Bo », lui, est devenu paraplégique après une polio.
Mais armé de courage, cet ivoirien a relevé le défi en mettant tout en œuvre pour travailler et vivre de sa passion.
Après avoir roulé sa bosse dans divers métiers tels que la sculpture, la menuiserie, l’électricité, la cordonnerie, il s’est spécialisé, depuis 1995, dans la couture féminine et emploie, à ce jour, quatre couturiers dont deux apprentis, qu’il forme et rémunère régulièrement.
« La couture pour moi est un don de Dieu », souligne-t-il, le visage rayonnant.
Se clamant « inventif », Konan a modifié l’anatomie de sa machine à coudre mécanique pour l’adapter à son handicap. « Tout est programmé sur ma machine, si tu touches un bouton, tout va tout seul », explique-t-il.
Avant toute création d’un vêtement, Konan n’utilise pas de mètre ruban, il «observe juste la taille, la forme du client ». Pour les découpes, il étale les tissus sur une natte à même le sol. « Lorsque j’ai un client, il me suffit de le regarder tout simplement pour coudre ses vêtements. Parfois, je le photographie et je travaille avec l’image prise », souligne-t-il.
Le jeune couturier ne compte pas s’arrêter là. Konan voudrait, confie-t-il, sortir de sa zone de confort et se frotter à de nouveaux défis « afin de montrer ce que valent les handicapés ». Il aimerait, poursuit-il, apporter sa touche dans l’univers africain de la mode et transmettre son savoir-faire à d’autres handicapés….
-Yamba Moussa, lui est forgeron et fabrique de façon artisanale des ustensiles de cuisine à partir de ferraille d’aluminium. Il a 43 ans et vit dans la commune de Marcory, au sud d’Abidjan.
Chaque déplacement nécessite un effort, mais peu importe, l’homme, qui se repose sur une béquille, se dit passionné.
« J’ai choisi ce métier, car il était pratiqué par mes parents et parce que je l’aime », confie-t-il.
Dans son atelier de fortune, Yamba est le patron. Il travaille avec des apprentis, qui en plus de l’aider à fabriquer des marmites, des écumoires, des louches, des pelles, des couteaux… s’occupent de leur vente sur les différents marchés de la commune.
« J’ai décidé de faire ce travail, car je n’ai jamais aimé tendre la main, ni être un mendiant, malgré mon handicap », avoue-t-il, se réjouissant d’être apprécié pour son travail bien fait
Sur chaque article vendu, Yamba engendre quotidiennement entre 2000 f (4 USD) et 5.000 FCFA (9 USD). Il s’en sert pour rémunérer ses apprentis.
«Mes apprentis disent qu’ils ont de la chance parce qu’ils acquièrent beaucoup de connaissances à mes côtés. Ils apprennent deux fois plus vite que les autres apprentis », confie t-il.
« Le travail est dur, parfois le feu me brûle, lorsque je me tiens debout, j’ai terriblement mal au dos. Mais la prise quotidienne de médicaments et surtout ma volonté, m’aide à m'accrocher », soupire t-il.
Vu son état et l’effort qu’il fournit, l’homme se dit « frustré » de voir les «valides » fuir le travail, et invite tous à ne pas rechigner devant les tâches, même si elles paraissent parfois ingrates.