Côte d’Ivoire: Elever des vers de terre pour produire de l’engrais 100% bio

-Roméo Dou, jeune microbiologiste ivoirien, produit un fertilisant 100% bio grâce… à des centaines de millions de petits vers de terre.

Côte d’Ivoire: Elever des vers de terre pour produire de l’engrais 100% bio

Roméo Dou a eu une drôle d’idée, redoutable en termes d’efficacité. Ce jeune microbiologiste ivoirien qui vient de fêter ses quarante ans, produit un fertilisant 100% bio grâce… à des centaines de millions de petits vers de terre.

Une activité qui lui permet de vivre aisément, depuis sept années.

C’est dans sa ferme située à Cocody, l'une des communes d'Abidjan la capitale économique de la Côte d'Ivoire, que Anadolu a rencontré le scientifique.

A ses débuts, raconte Roméo Dou, il produisait ses lombrics (vers de terre) grâce aux résidus de cacao. Désormais, il y ajoute les résidus de café qu’il récupère la plupart du temps, gratuitement, chez des particuliers, et qui lui permettent de produire ses lombrics en grande quantité.

Un élevage qui lui a permis, en quelques années, de devenir le fournisseur de fertilisant 100% biologique attitré de plusieurs agriculteurs en Côte d'Ivoire.

« J'ai compris qu'avec de simples vers de terre, nous pouvions créer un fertilisant bio, qui permet d’enrichir les plantes. Il s’agit là d’une solution au principal problème que connaissent les paysans, à savoir les difficultés d’accès aux engrais agricole pour 8 sur 10 d’entre eux », rappelle le jeune lombriculteur.

Gnangoran Assoua, lui, est planteur de cacao en Côte d'Ivoire depuis 1970.

Cet agriculteur de 58 ans possède trois plantations dans l'Est du pays. Autrefois, il était adepte de l'engrais chimique mais aujourd'hui il n'utilise que le fertilisant 100% biologique, qui lui permet désormais de récolter par saison 4 tonnes de cacao contre 2 tonnes par le passé.

« Cet engrais biologique a changé mon quotidien. Beaucoup moins cher que l’engrais classique, il a, en plus, permis de multiplier mes récoltes par deux. J’en suis vraiment ravi », commente l’agriculteur dans une déclaration à Anadolu.

Une « révolution » qu’a également connue la coopérative Camaye, située à Abengourou, dans l’Est ivoirien.

Forte de ses 1800 membres, la coopérative produit en moyenne 5 mille tonnes de cacao par an. Une production qui n’a cessé d’augmenter au fil des années, grâce à l’engrais bio, se réjouissent les responsables.

« Nous avons découvert l’engrais bio il y a à peu près six ans. Depuis nous constatons ses retombées favorables, la première se traduisant, évidemment, en termes de production. Autrefois nous ne produisions pas plus de 2 mille tonnes de cacao par an, un chiffre que nous avons presque triplé depuis ! », indique à Anadolu Camille Abou Oi Abou, président du conseil d'administration de la coopérative CAMAYE.

En outre, l'engrais biologique permet également de mieux lutter contre la dégradation des sols, selon des spécialistes.

En effet, l'eau de ruissellement emporte entre 70 et 80 des fertilisants organiques déversés aux pieds des plantes.

De plus, l'engrais biologique coûte 270 dollars la tonne, soit deux fois moins cher que l’engrais chimique.

«Outre le prix défiant toute concurrence, la particularité de cet engrais écologique est qu'il n'a pas d'effet secondaire néfaste pour l'environnement et les cultures: c'est déjà une grande avancée. Maintenant il faut une meilleure vulgarisation pour que la majorité de la masse paysanne de notre pays puisse l'utiliser pour le bonheur de tous » estime Koné, agronome ivoirien.

En plus de la fabrication d'engrais biologique, l'élevage de vers de terre, aussi appelé lombriculture, permet le traitement des eaux usées, le recyclage des déchets ménagers et la nutrition animale, détaille Roméo Dou.

Autant de « sous branches», qui nécessitent des moyens financiers pour leur développement.

« Je suis ouvert à toute aide pour mieux explorer les avantages de l'élevage des vers de terres. Car c'est un élevage qui peut résoudre plusieurs problèmes sociaux, environnementaux et même de santé dans mon pays, en Afrique voire dans le monde », a martelé le jeune lombriculteur.

Du côté du gouvernement, ce type d’initiative est vivement encouragé.

Le Ministère de la Promotion de la Jeunesse, de l’Emploi des Jeunes et du Service Civique, à travers l’Agence Emploi Jeunes, s’est en effet récemment engagé aux côtés des jeunes pour développer des projets innovants notamment ceux qui s’inscrivent dans le processus de la réduction de l’empreinte écologique (dont la lombriculture, le tri sélectif et d’optimisation des déchets, la transformation des déchets plastiques en géo-pavé, etc.) 

Le secteur agricole emploie 56% de la population ivoirienne qui compte 23.7 millions d'habitants, selon le ministère de l'agriculture.