Comment Israël phagocyte Jérusalem-Est
"Israël vise, depuis le début des années 70, à maintenir la population palestinienne à Jérusalem (Est et Ouest), sous la barre des 22%.
Israël occupe, depuis 1967, plus de 87% de la superficie de Jérusalem-Est.
Sous la pression israélienne, le président américain Donald Trump a annoncé le 6 décembre courant, que Washington reconnait Jérusalem (Est et ouest) comme la capitale d'Israël.
Jérusalem-Est compte 17 grands quartiers résidentiels, qui abritent plus de 323 mille Palestiniens, soit 39% de la population des deux parties de Jérusalem (Est et ouest), comprenant plus de 850 mille habitants.
Les 17 quartiers de la ville occupée sont les suivants: Beit Hanina, Ras al-Amud, le mont Scopus [Jabalm al-Moukabar], Shuafat, Sheikh Jarrah, Wadi Joz, Kafr Aqab, le camp de réfugiés de Shuafat, Issawiya, Tur, Silwan, Sur Baher, Anata, Um Toya, Beit Safafa, al-Thawri, et al- Sawaneh.
Selon des sources palestiniennes, plus de 35 mille Palestiniens vivent dans la vieille ville, principalement dans le quartier musulman, le quartier chrétien et le quartier arménien.
Quelques 2900 Israéliens vivent dans le quartier juif de la vieille ville, qui était à l'origine une zone palestinienne avant l'occupation de 1967.
** Seulement 13%
Selon Khalil Tufkaji, directeur du département de cartographie et des systèmes d'information de l’Association des études arabes à Jérusalem (non gouvernementale), « Israël a pris le contrôle de 87% de la superficie de Jérusalem-Est, afin d’y établir des colonies de peuplement, des institutions, et des routes, classant le reste espaces verts, où il est interdit de bâtir » .
Dans un entretien avec Anadolu, il a précisé que la population palestinienne restante ne dispose que de 13% de la superficie de la ville, soulignant qu’Israël tente de réduire et d’isoler cette partie.
Il a ajouté qu’"Israël a établi depuis 1967, à Jérusalem-Est 15 colonies habitées par plus de 220 mille colons."
"Ces colonies ont été construites sur des terres palestiniennes, pour empêcher l'expansion de la population palestinienne et assurer une majorité juive à Jérusalem", a-t-il indiqué.
Les colonies les plus importantes sont : Prophète Jacob, Ramot, Gilo, Talpiot, Ramat Eshkol, Pisgat Ze'ev, Har Homa, la Colline française, et Ramat Shlomo.
Tufkaji a souligné que « Israël ne s’est pas contentée de ces colonies, mais a œuvré délibérément au cours des dernières années, à établir des colonies de peuplement dans les quartiers palestiniens, y compris à Ras al-Amud, Sheikh Jarrah et Al-Sawaneh, et prévoit d'en établir de nouvelles».
Il a ajouté: "Les colons israéliens ont également mis la main sur des dizaines de maisons palestiniennes, en particulier dans la vieille ville, à Silwan, à Ras Al Amoud, à Tur, à Sheikh Jarrah et à Al-Sawaneh."
Le gouvernement israélien a établi des institutions officielles à Jérusalem-Est, dont le ministère de la Sécurité intérieure à Sheikh Jarrah, le ministère de la Justice dans la rue Salah al-Din, ainsi que la Cour centrale israélienne.
** Résidents et non citoyens
Les Palestiniens à Jérusalem sont classés par le gouvernement israélien en tant que résidents et non comme citoyens.
"Israël a délibérément classé les Palestiniens à Jérusalem comme résidents pour faciliter progressivement leur expulsion de la ville", a déclaré Ziad Hammouri, directeur du Centre de Jérusalem pour les droits sociaux et économiques (ONG).
Et d’ajouter : « D'après les données officielles israéliennes, le ministère israélien de l'Intérieur a dépouillé 14 mille 595 Palestiniens de leur droit de résidence dans la ville, depuis 1967 ».
Après la déclaration de la création de l'État d'Israël en 1948, Israël n'a pas imposé la nationalité israélienne aux Palestiniens de Jérusalem-Est, après son occupation en 1967.
Des positions religieuses et politiques palestiniennes ont interdit aux Palestiniens de Jérusalem d'obtenir la citoyenneté israélienne, afin de souligner le statut de la ville occupée.
"Seuls quelques milliers de résidents de Jérusalem ont déjà acquis la nationalité israélienne pour diverses raisons, y compris pour pouvoir travailler dans les institutions officielles israéliennes, faciliter leurs voyages ou de crainte de perdre leur carte d’identité en raison de leur résidence en Cisjordanie", a déclaré Hammouri.
** Mur de séparation
En 2002, Israël a entamé la construction d’un mur de séparation en Cisjordanie, isolant les quartiers palestiniens de Jérusalem-Est.
Hammouri a indiqué : « le mur a isolé les quartiers de Kafr Aqab (nord), le camp de Shuafat, et Anata (Est) du centre de Jérusalem-Est. Pour y accéder, il faut désormais passer par des barrages israéliens ».
« Ces quartiers isolés par le mur comptent plus de 140 mille habitants soit près du tiers de la population de Jérusalem. Or ils sont totalement privés des services, sans parler de la difficulté des déplacement en raison des postes de contrôle israéliens».
** Sans permis de construire
Depuis 1967, les gouvernements israéliens ont adopté une politique visant à limiter le nombre de Palestiniens à Jérusalem-Est, en restreignant les permis accordés pour le logement, selon des organisations palestiniennes, israéliennes et internationales des droits de l'homme.
Les permis de construire sont délivrés par la municipalité israélienne de Jérusalem, dont la majorité des Palestiniens de Jérusalem boycotte l’élection.
"La municipalité israélienne oblige les Palestiniens à obtenir des permis de construire pour limiter le nombre de Palestiniens dans la ville", a déclaré Mohammed Abu al-Homs, membre du comité de défense du quartier d'Issawiya dans le nord de Jérusalem.
"La municipalité israélienne a démoli des douzaines de maisons à Issawiya ces dernières années et menace d’en démolir davantage, comme c'est le cas dans d'autres quartiers de Jérusalem-Est", a déclaré Abu al-Homs dans un entretien avec Anadolu.
"De nombreux habitants de Jérusalem construisent sans permis, parce que la municipalité refuse de leur fournir des autorisations de bâtir, alors qu’elle en délivre aux colonies israéliennes établies sur les terres de Jérusalem", a-t-il ajouté.
Pour sa part, al-Tufakji, a indiqué : « Selon les estimations, 20 mille habitations ont été bâties sans autorisation à Jérusalem-Est, en raison de la politique israélienne ».
"Il y a un besoin immédiat de 20 mille habitations à Jérusalem pour absorber la croissance naturelle de la population (palestinienne)", a-t-il précisé.
Et d’ajouter : « Israël vise, depuis le début des années 70, à maintenir la population palestinienne à Jérusalem (Est et Ouest), sous la barre des 22%. Les responsables israéliens suivent avec une extrême préoccupation le fait que ce taux soit parvenu à 39%, et tentent de le réduire par tous les moyens ».
** Isolement des quartiers de Jérusalem
Des responsables israéliens appellent depuis des années, à isoler des quartiers de Jérusalem-Est afin de réduire le nombre de Palestiniens, et d’assurer une majorité écrasante juive dans la ville.
Ainsi des responsables israéliens ont proposé d’isoler les quartiers de Kafr Aqab, d'Anata et du camp de Shu'fat, tandis que d'autres ont appelé à isoler davantage de zones de Jérusalem.
La communauté internationale ne reconnaît pas l'occupation israélienne de Jérusalem-Est, ni l'annexion de la ville en 1980, et rejette tout ce qui en a découlé.
** Lieux saints islamiques et chrétiens
La vieille ville de Jérusalem comporte d'importants lieux sacrés, notamment la mosquée Al-Aqsa pour les musulmans et l'église du Saint-Sépulcre pour les chrétiens.
Pendant des siècles, ces sites sacrés ont bénéficié du «statu quo», qui prévalait depuis l'époque ottomane et qui s'est perpétué pendant le mandat britannique, et sous l’autorité jordanienne jusqu'à ce qu'Israël cherche à le changer.
Israël a permis unilatéralement, depuis 2003, à des milliers de colons israéliens de prendre d'assaut la mosquée Al-Aqsa. De leur côté, des dirigeants de partis israéliens au pouvoir, ont appelé à partager la mosquée dans le temps et l'espace entre les musulmans et les juifs.
Cheikh Azzam al-Khatib, directeur du Waqf islamique de Jérusalem, a déclaré à Anadolu que « le statu quo est la situation qui prévalait avant l'occupation israélienne en 1967, mais le gouvernement israélien tente par tous les moyens de mettre un pied à Al-Aqsa, ce que nous refusons».
Khatib a ajouté: « nous avons exhorté à plusieurs reprises le gouvernement israélien à mettre fin aux incursions des extrémistes dans la mosquée, et à cesser de s’ingérer dans le travail de l'administration du Waqf islamique de Jérusalem. Le gouvernement israélien refuse de répondre, contribuant ainsi à l'aggravation de la situation».
Les communautés chrétiennes de Jérusalem se plaignent également des restrictions imposées par la police israélienne à l’accès à leurs sites religieux lors des fêtes chrétiennes.