Alger-Rabat : Vers le réchauffement ?
-Le mae marocain, Nasser Bourita a finalement fait le déplacement à Alger pour assister à la 14éme conférence des ministres des Affaires étrangères, alors que les deux pays traversent une zone de turbulences
Jusqu’à tard dans la soirée de samedi, sa présence demeurait incertaine : le ministre marocain des affaires étrangères, Nasser Bourita a finalement fait le déplacement à Alger pour assister à la 14éme conférence des ministres des Affaires étrangères du « Dialogue 5+5 » sous le thème «Méditerranée occidentale: promouvoir un développement économique et social inclusif partagé et durable face aux défis communs dans la région », et dont les travaux ont eu lieu dimanche.
Nasser Bourita a été accueilli à l’aéroport international, Houari Boumediène, par son homologue algérien, Abdelkader Messahel. Mais il n’a fait aucune déclaration. Cette visite inattendue est la première d’un haut responsable marocain de ce rang depuis celle effectuée en 2012 par Saâdeddine Othmani alors ministre des affaires étrangères dans le gouvernement Benkirane.
Elle est d’autant inattendue que les relations entre les deux pays traversent une zone de turbulences, notamment depuis les déclarations d’Abdelkader Messahel devant une réunion du forum des chefs d’entreprises (FCE), syndicat des patrons algériens, en octobre dernier à Alger.
«Les banques marocaines, c'est le blanchiment de l'argent du haschisch, ça tout le monde le sait. C'est des chefs d'États africains qui me le disent », avait affirmé le chef de la diplomatie algérienne.
«Si c'est ça les banques, je ne sais pas, personne ne nous impressionne. La Royal Air Maroc [la compagnie publique marocaine, NDLR] transporte autre chose que des passagers, et cela tout le monde le sait. On n'est pas le Maroc, on est l'Algérie. On a un potentiel, on a de l'avenir. Nous sommes un pays stable », avait-il dit.
Des propos qui n’ont pas manqué de provoquer une vive colère de Rabat qui avait rappelé son ambassadeur à Alger pour consultation ainsi que le chargé d’affaires algérien à Rabat.
«Ces propos affabulatoires sont d'un niveau d'irresponsabilité sans précédent dans l'histoire des relations bilatérales et témoignent d'une ignorance aussi profonde qu'inexcusable des normes élémentaires du fonctionnement du système bancaire et de l'aviation civile», avait réagi le ministère marocain des affaires étrangères dans un communiqué repris par les médias et les agences de presse.
Jeudi dernier, le premier Ministre algérien, Ahmed Ouyahia, présidant une réunion de son parti, le rassemblement national démocratique (RND) (deuxième force politique du pays) était revenu à la charge pour « condamner tous ceux qui, de l'extérieur, tentent de noyer notre pays sous un énorme flux de hachisch et de cocaïne», dans une allusion au Maroc.
«Il s'agit là d'une véritable agression contre notre peuple à travers une tentative d'empoisonner notre jeunesse et de ralentir notre développement », avait-il déclaré, selon des propos repris par la presse nationale.
«C'est là aussi une insulte grave envers l’avenir commun des peuples maghrébins», avait-il dit. Mais cette polémique sur la drogue n’est qu’un des aspects des profondes divergences entre les deux voisins liées principalement au problème Sahraoui.
Alors que le Maroc considère le sahara occidental, ancienne colonie espagnole, comme sa province lui proposant l’autonomie, l’Algérie soutient le Polisario qui plaide pour un référendum d’autodétermination sous les auspices de l’ONU.
En 2013, dans le prolongement d’un discours du président algérien Abdelaziz Bouteflika à Abuja, appelant l’ONU à mettre en place des mécanismes de surveillance des droits de l’homme au sahara occidental, un citoyen marocain, présent dans une manifestation à Casablanca a profané le drapeau algérien provoquant la colère d’Alger.
Aussi la fermeture de la frontière entre les deux pays remontant à 1994 après des accusations marocaines selon lesquelles les services algériens auraient fomenté un attentat dans un hôtel à Marrakech continue d’empoisonner les relations entre les deux pays.
Est-ce que la visite de Bourita va dégeler la relation ? En tous cas, Abdelkader Messahel n’a pas caché sa joie. Dans un tweet posté dimanche, le ministre des Affaires étrangères s’est dit «heureux de voir cette conférence enregistrer la participation de tous les Ministres du Dialogue 5+5 », un commentaire qu’il illustre avec quatre photos, dont l’une le montrant accueillir chaleureusement son homologue marocain.